Pollution : Taxe carbone en RDC, comment procéder juridiquement pour y arriver? (Tribune de Félix Lilakako)

Mais bien avant cela, il est important de s’interroger sur ce que l’on attend par « taxe carbone » et sa perception au niveau international, mais surtout de savoir comment justifier la prise en compte de la taxe carbone dans l’arsenal juridique congolais, un de défis de la mise en œuvre de cette décision gouvernementale.

Taxe carbone, qu’est-ce ?

La Taxe Carbone est un impôt environnemental direct, proportionnel aux quantités de dioxyde de carbone (CO2) émises lors de la production et/ou de l’usage d’une ressource, d’un bien ou d’un service. La Taxe Carbone s’inscrit dans le cadre des mesures destinées à lutter contre le changement climatique en réduisant les émissions de CO2, le plus courant des gaz à effet de serre. Elle vise à sanctionner financièrement ces émissions, sur le principe du pollueur-payeur, et donc à inciter les producteurs et consommateurs à des pratiques plus vertueuses dans ce domaine. Le principe de la Taxe Carbone est simple : plus un produit émet de gaz à effet de serre, plus il est taxé. C’est donc une application directe du principe “pollueur-payeur”. Elle peut être payée en amont ou en aval par le consommateur.

Dans les pays développés, les processus de détermination de la valeur du carbone ont souvent considéré les émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’échelle industrielle comme les principales sources.

La Taxe Carbone au niveau international

Selon une étude menée par la Fondation Konrad Adenauer sur la tarification du carbone en Afrique Subsaharienne (2020), la tarification du carbone a gagné en importance à l’échelle mondiale ces dernières années et les gouvernements et l’industrie s’accordent de plus en plus sur son rôle fondamental dans la transition vers une économie à faible émission de carbone.

En effet, avant la 21ème Conférence des Parties (CoP21) à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), tenue à Paris en novembre 2015, l’appel à « mettre un prix sur le carbone » a déjà été lancé par le Groupe de la Banque mondiale, les groupes d’affaires et les investisseurs comme mécanisme pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et encourager les investissements dans les technologies et le développement à faible teneur en carbone.

Depuis la CoP 21, les Etats se sont engagés à atteindre un objectif à long terme consistant à maintenir l’augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, et à poursuivre les efforts pour limiter l’augmentation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels. C’est au regard de cet objectif que plusieurs pays, en particulier ceux du monde développé, ont mis en place des mesures d’incitation sur les marchés nationaux et infranationaux pour « décarboniser » leurs économies. De nombreux pays disposent désormais de politiques d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables. Et plusieurs gouvernements nationaux ou infranationaux ont mis en place une tarification du carbone sous la forme de taxes sur le carbone ou de systèmes d’échange de droits d’émission (SEQE).

Un des principaux exemples est la taxe carbone sur les carburants et combustibles fossiles (ou composante carbone) appliquée en France, visant à intégrer les coûts sociaux et environnementaux négatifs de l’activité économique au prix des produits et services.

Cadre juridique congolais actuel est-il favorable à la taxe carbone ?

Considéré comme un dispositif fiscal destiné à lutter contre le réchauffement climatique, par la taxation de la production tant par les ménages que par les entreprises de gaz à effet de serre, la taxe carbone trouve son fondement dans la Constitution de 2006, lorsqu’elle énonce que « toute pollution ou destruction résultant d’une activité économique donne lieu à compensation et/ou à réparation » (art. 54 al.2). Ceci est renforcée par la loi portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement qui stipule que « les coûts résultant des mesures de prévention, de lutte contre la pollution et la réduction de celle-ci ou de remise en état des sites ou paysages pollués sont supportés par le pollueur » (art.12). La loi ne se limite qu’à énoncé le principe sans fixer les règles fiscales y afférentes.

En effet, la taxe carbone est un dispositif fiscal, ce dernier repose sur un principe universel selon lequel « il n y a que la loi qui peut créer les normes fiscales ». Et en RDC ce principe est d’abord constitutionnel, en ce qu’il ne peut être établi d’impôt que par la loi (art.174 constitution). Et que « le budget des recettes et des dépenses de l’Etat, à savoir celui du pouvoir central et des provinces, est arrêté chaque année par une loi » (art.175 const.).

Par ailleurs, tout comme la loi sur l’environnement, la loi n° 011/2002 du 29 août 2002 portant Code Forestier, texte législatif de base qui réglemente la gestion forestière en RDC, n’a pas prévu une taxe sur le carbone mais d’autres droits, taxes et redevances. Ce texte n’a énoncé que les grandes lignes de la gouvernance forestière en RDC et pour ce qui est de la fiscalité forestière, le législateur du code forestier prévoit que tout exploitant forestier, exportateur ou transformateur des produits forestiers est tenu au paiement des droits, taxes et redevances prévus par ce texte et ses mesures d’application (article 120) et que les produits des taxes et redevances forestières sont versés au compte du Trésor public (article 122).

Alors que le gouvernement s’est lancé vers la taxe carbone, comment procéder juridiquement ?

Bien que la taxe carbone trouve sa justification première des engagements pris par la RDC au niveau international en ratifiant l’Accord de Paris de 2015, ensuite de la constitution de la RDC et de la loi-cadre sur l’environnement, il est important de la consacrer au moyen d’une loi interne, afin de lui donner effet direct et une sécurité juridique.

Etant donné qu’une taxe/redevance ou un impôt en général ne devrait être assis que sur une loi, nous pensons que la démarche serait de permettre à la RDC de se doter d’une loi sur le changement climatique qui prendrait en compte des mécanismes de lutte contre le changement climatique. La loi sur le changement climatique devrait justifier l’existence d’une Autorité de Régulation du Marché de carbone et imposerait dans son corpus des dispositions sur la taxe carbone comme mécanisme fiscal.

Pour y parvenir, deux options seraient envisageables, à savoir, est-ce qu’il faudrait modifier le code forestier de 2002 qui n’a été adopté que pour gouverner le secteur forestier ? Ou bien, faudrait-il modifier la loi portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement de 2011, en y insérant une disposition qui justifierait la prise d’une loi sur le changement climatique. Car la loi sur l’environnement est une loi-cadre censée donner des orientations aux lois sectorielles, surtout qu’elle contient déjà l’énoncé du principe pollueur payeur tel que prévu par la Constitution. A notre avis, cette deuxième option semble être plausible et justifiée sur le plan de droit. Dans l’entre-temps, étant donné que la décision est déjà prise par le Gouvernement, les réflexions pourraient se poursuivre quant aux autres aspects de la Taxe carbone (économie, chimie, industrie, taxation, etc.).

 

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Me Felix Credo LILAKAKO MALIKUKA

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