Eau : Vers un consensus sur l’exportation des eaux du fleuve Congo vers le Lac Tchad?

La question vaut son pesant d’or au regard des réactions qu’elle suscite chaque fois qu’elle est posée sur la place publique. Les derniers développements sur cette problématique laissent transparaitre un consensus à venir entre les acteurs de la société civile et les scientifiques au tour de cette question. Dans les échanges partagés sur la toile, et auxquels Environews RDC qui suit de prêt cette question a eu accès, les différents acteurs semblent s’accorder sur une possible exportation de l’or bleu du majestueux fleuve Congo vers le lac Tchad, mais à une seule condition, « la réalisation des études des impacts environnementaux et socioéconomiques » de ce projet pharaonique, afin d’en dégager le niveau de conséquences possibles avant toute action.

Une position qui rejoint celle soutenue par le chef de l’État, Félix Antoine Tshisekedi, lors de son passage à Kigali.

Tout est parti d’une séance de cours dispensé dans un auditoire de l’UNIKIN (Université de Kinshasa) par le professeur Dieudonné Musibono, conseiller spécial du Chef de l’État en matière de l’environnement.

Au cours cette séance de travail, l’expert, connu souvent pour ses recherches assez pointues sur les questions de l’eau et de la pollution, n’est pas passé outre pour informer à ses étudiants qu’il ne voyait aucun inconvénient à exporter l’eau du fleuve Congo vers le lac Tchad via les pipelines, à quelques kilomètres de l’embouchure du fleuve Congo.

« Je soutiens qu’il est possible, après études environnementales, techniques et économiques. Le Lesotho vit du transfèrement de son eau vers la RSA. Seules les études montreront la décision finale à prendre », indique le professeur Musibono.

Ce discours avait suffi pour enflammer la toile. Les réactions ont fusé de partout. La crème scientifique, les acteurs politiques et ceux de la société civile n’ont pas loupé l’occasion pour donner leurs avis sur cette question que certains considèrent comme « une question de la vie ou de la mort ».

Nous allons ici, présenter et paraphraser quelques réactions tirées de ces échanges et laisser chacun tirer la conclusion.

Pour Joseph Bobia, acteur de la société civile, avant toute décision de transfèrement des eaux, il faut que les études indépendantes soient menées. « Il faudrait une confrontation des données scientifiques solides pour parvenir à des positions très confortables et acceptables », a-t-il réagit. « Cette idée de task force a été retenue à la Cop23 à Bonn. De retour au pays, le ministre qui était en charge de lancer l’initiative n’a rien réalisé ».

Selon un professeur de l’Université de Kisangani, « si l’on veut transférer l’eau, il faut s’assurer des causes de l’assèchement du bassin du lac Tchad et surtout de la solvabilité du Tchad. Les études doivent être faites correctement ».

S’opposant diamétralement à toute forme d’exportation de l’eau du Congo vers le Tchad, un député national recommande de s’en remettre à la décision du souverain primaire. « Je ne suis pas d’accord avec cet appât des études initiées par le professeur Musibono. Même au niveau de l’Assemblée Nationale, au sujet de la loi portant conservation de la nature, c’était après des multiples conciliabules qu’on est arrivé difficilement à accepter que l’eau soit captée à partir de l’embouchure du fleuve, à une seule condition que le sujet soit soumis au référendum », insiste-t-il.

Cependant, un autre acteur de la société civile nuance et essaie de se positionner en équilibriste. « Les équilibres écologiques sont d’une grande complexité. L’enjeu consiste à établir une balance qui soit la plus équitable possible entre les effets positifs et les effets négatifs. De plus, la dimension géopolitique de ce projet est aussi totalement incontournable notamment dans son aspect de renforcement de la solidarité panafricaine », estime-t-il.

Si pour les uns, il est hors de questions de toucher à l’eau du fleuve Congo, les autres y voient cependant une opportunité pour la RDC de vivre de ses ressources, en mettant en place des mécanismes devant assurer la bonne gouvernance du secteur.

« Si nous ne toucherons rien et nous ne vendrons rien de nos ressources naturelles, comment allons nous vaincre la pauvreté? Tous les pays développés aujourd’hui ont touché à leurs ressources pour arriver là où ils sont. On ne peut plus compter uniquement sur les barrages, on peut s’en passer. Depuis 2002, on est dans le plaidoyer climatique et en retour nous n’avons même pas mobilisé 1 milliards de dollars. Cessons avec l’activisme aveugle », s’insurge un autre acteur de société civile.

« Nous ne sommes pas des rêveurs encore moins des égoïstes. Avec une bonne gouvernance, nos ressources utilisées durablement feront du Congo un modèle. Nous connaissons les dessous des cartes de tous ces pays développés, à nous de faire un bon choix », renchéri une observatrice.

L’argent pour les études est là

Pour François Kalwele, responsable du projet Vula, les États du nord qui demandent de l’eau du fleuve Congo ont déjà mobilisé les moyens financiers nécessaires pour l’aboutissement heureux de ce projet qui a remplacé le projet Transqua, qui consistait à pomper l’eau à partir de la rivière Ubangi.

« Le projet Transaqua a été enterré. Pourquoi vouloir ressusciter un cadavre. Le Transaqua a été remplacé par le projet VULA qui consiste à pomper l’eau après le barrage d’Inga, et faire gagner de l’argent à notre pays », a-t-il précisé.

A en croire ce maître de conférences, lors de la dernière réunion de Niamey sur cette question, les nations appuyées par les bailleurs des fonds internationaux avaient manifesté leur intérêt à mobiliser près de 4 milliards d’euros. «L’argent pour les études est disponible, il suffit tout simplement que l’Etat congolais endosse le projet Vula, et la Commission pour le Bassin du Lac Tchad va décaisser l’argent pour démarrer ces études », avait-il déclaré sur les ondes de la radio Okapi.

En conclusion, une rencontre sera organisée au cours de laquelle, tous les acteurs, les scientifiques, et les politiques débattrons pour dégager un consensus au tour de cette question cruciale.

Alfred NTUMBA

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