Lors de la cérémonie d’échange des vœux avec le corps diplomatique accrédité en RDC, le chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi a réitéré son engagement à œuvrer pour faire de la RDC, un leader environnemental en Afrique central. Ce vœu du chef de l’Etat ne peut se concrétiser que par un engagement sincère à mener des reformes structurelles dans le secteur de l’environnement, plus précisément celui des forêts, dont la contribution au budget national est presque nulle.
Cela devra passer impérativement par la promotion de la gouvernance forestière et l’application de la loi.
Ce qui suit est le point de vue de WWF (Fonds Mondial pour la Nature), exprimé par Jean-Marie Bolika, expert en charge de gouvernance forestière au sein de cette organisation.
Défi n°1 : Application de la loi
« Il faut comprendre une chose et considérer que le gouvernement congolais a vraiment suffisamment travaillé en terme de la production de lois. Le code forestier, je dirais, est la seule loi pour laquelle le gouvernement congolais a su produire plus d’une cinquantaine des mesures d’applications. Ça veut dire que c’est vraiment une loi qui a été suffisamment travaillé en termes de mesures d’applications. Mais le problème se pose au niveau de l’application».
http://minfinrdc.com/minfin/wp-content/uploads/2018/11/Communiqu%C3%A9-officiel-n%C2%B0005.pdf NOV 18
L’application de la loi tâtonne parce qu’aujourd’hui il y a des sérieux problèmes au niveau du contrôle forestier et même si le domaine forestier a avancé aujourd’hui autour des trente concessions qui sont sous aménagement, mais le problème reste entier au niveau du contrat forestier, ça veut dire que le gouvernement congolais aujourd’hui peine encore à sanctionner les délinquants forestiers dans le secteur par le faite que l’exploitation forestière illégale prend des proportions très alarmantes.
C’est un défi que le nouveau gouvernement devrait prendre au sérieux. Et là, le WWF en tant que partenaire du gouvernement congolais, est prêt à l’accompagner dans le cadre de la production des stratégies qui permettront à ce qu’on puisse réduire l’exploitation illégale du bois.
Défi n°2 : Initier une diplomatie environnementale
La RDC c’est 65 % de la superficie du territoire national, près des 2/3 des forêts denses du Bassin du Congo et 10 % des forêts tropicales mondiales. En RDC, près de 50 millions de personnes dépendent directement de la forêt pour la couverture de leurs besoins quotidiens : production agricole sur défriches, chasse, cueillette de plantes et substances de la pharmacopée traditionnelle, bois de feu et bois d’œuvre.
La forêt congolaise contribue aux besoins alimentaires, énergétiques et de santé de près de 30 millions d’urbains. Elle constitue également un enjeu majeur en termes de préservation de la biodiversité et de régulation du climat (stockage du carbone et cycle de l’eau).
Le secteur forestier contribue à moins de 1% du PIB et rapporte des devises à travers ses exportations. Le secteur industriel est pourvoyeur de près de 6.000 emplois directs et favorise le développement des échanges commerciaux dans des zones parfois très enclavées du pays.
Le ministère de l’environnement est parmi les ministères qui ont bénéficié de l’appui des partenaires bilatéraux et multilatéraux, il faudrait qu’une diplomatie soit mise en place pour convaincre ces partenaires là et venir nombreux investir dans le secteur.
Aujourd’hui il y a un défi important lié au changement climatique et la République démocratique du Congo qui dispose de plusieurs millions d’hectares des forets devient un facteur incontournable sur la régulation du climat sur le plan planétaire.
Au regard des enjeux de l’heure, la mise en place des mesures efficaces aideront le pays à mieux se positionner sur l’échiquier international.
« Aujourd’hui au niveau du bassin du Congo, c’est le Congo qui a le leadership en terme de superficie et en terme de développement politique à travers tous ce qui a été mis en place en rapport au processus REDD. Ces mécanismes-là doivent être pris au sérieux par le nouveau gouvernement ».
Le nouveau régime devrait mettre en place des mécanismes dans le sens d’une diplomatie environnementale qui va générer des ressources conséquentes, qui, une fois arrivées au pays permettront de contribuer à l’amélioration des conditions d’existence des communautés qui ont longtemps protégé ces forêts. A cela s’ajoute également la problématique du partage des bénéfices .Il y’a lieu de se poser la question suivante : « quel est l’architecture qui doit être mise en place une fois le secteur forestier produit des ressources et des bénéfices, pour permettre à ce ces bénéfices-là aillent directement auprès des communautés locales ? ». Il est important de mettre en place une gouvernance qui permettra à ce que les communautés tirent effectivement profit des bénéfices qui en découleront. « Il faudrait que l’Etat congolais pense à ce que ces communautés locales soient récompensées à travers tous les mécanismes qui seront mis en place pour générer les bénéfices dans le secteur forestier ».
Défi n°3 : contrôler l’exploitation forestière
La production forestière industrielle a été faible en RDC, elle s’élevait à 250.000 m³ de grumes en 2010, tandis que les derniers chiffres de 2015 (230.000 m³) et 2016 (208.000 m³) sont orientés à la baisse. Le secteur industriel emploi environs 4 523 emplois en 2014 selon OFAC et 45 à 50 millions US $ / an (selon FIB, pour 2013).
L’exploitation illégale de bois reste un défi majeur et le plus grand mal qui gangrène le secteur forestier de la RDC.
Défi n° 4 : La fiscalité forestière
La fiscalité forestière en RDC est caractérisée par une surfiscalisation à cause d’une multitude de micro taxes dont le nombre est estimé à 150 microtaxes dont la plupart sont illégales à cause de l’absence d’une loi. D’où la nécessité de reformer le cadre juridique de ce secteur. Tenez bien ; http://minfinrdc.com/minfin/wp-content/uploads/2018/11/Communiqu%C3%A9-officiel-n%C2%B0005.pdf
D’après cette source, http://minfinrdc.com/minfin/ les recettes du secteur extractif comprenant les mines, les hydrocarbures et la forêt. Le secteur extractif a mobilisé au dernier trimestre 2018 399366449,95$ USD. La part des recettes du secteur forestier est de 961588,38 $ USD soit environ 2 % contre 12% pour les Hydrocarbures et 86% pour les mines. Au cours de cette période, les services de taxation n’ont perçu aucune amende transactionnelle. D’où la nécessité de renforcer le contrôle dans ce secteur. Cette situation persiste depuis plusieurs années et l’état peine encore à trouver de solution alors que plusieurs infractions sont constatées les corps des inspecteurs du MEDD.
Défi n° 5 : Mise à niveau du personnel
Il y a beaucoup d’experts ou personnel qualifiés qui ont été mis à la retraite et qu’il y a le processus de recrutement de nouveaux agents qui est en cours soit achevé ou qui a déjà été fait dans certaines provinces. Tous ces nouveaux recrus doivent être formés
A titre illustratif la Province comme le Mai-Ndombe souffre d’une carence d’inspecteurs assermentés capables d’établir des procès-verbaux de saisies des infractions par exemple. Donc il faudrait que le gouvernement congolais mette à la disposition du ministère de l’Environnement des moyens pour renforcer les capacités institutionnelles de son personnel à travers le pays ». Le pire c’est dans la province de la Tshuapa, avec ses 13,26 Millions d’ha des forêts, aucun inspecteur assermenté ( http://www.wwf.de/fileadmin/fm-wwf/Publikationen-PDF/Carbon-Map-of-DRC.pdf)
Défi n° 6 : Promouvoir l’économie verte
Je pense qu’avec la volonté de toutes les parties prenantes, il est possible à ce qu’on puisse transformer ce défi de l’économie verte en opportunité. Pourquoi une opportunité, parce que le Congo a aujourd’hui une démographie positive annuelle qui serait autour de 2 à 3,5%. Ça veut dire que la population va croître au jour le jour mais les ressources seront pas les mêmes sans une gestion durable.
Nous allons plutôt assister à des situations des conflits parce que l’espace à exploiter sera limité, avec une population en perpétuelle croissance. Pour prévenir cette situation qui risque d’arriver dans quelques décennies, il faut déjà mettre en place des mécanismes de gestion durable de l’existant. On doit promouvoir l’économie verte vers les énergies renouvelables par exemple.
Aujourd’hui le WWF a déjà un champion en termes de production des brasiers qui permettent à ce qu’on ne puisse pas consommer à grande échelle le charbon de bois. Ca ce sont des expériences, l’utilisation des énergies solaires à travers les panneaux solaires, ce sont des expériences qu’il faut utiliser pour que nos forêts soient gérées durablement et que les communautés qui se trouvent autour d’elles aient des alternatives qui leur permettent de conserver nos forêts et tirer profit des bénéfices pour leurs existences.
Défi n°7 : La révision du code forestier.
Vieux de 16 ans le code forestier de la RDC devrait être reformé pour l’adapter au contexte du moment pour d’autres processus comme la REDD+, renforcer la sanction pécuniaire, relever le barème des sanctions pour les rendre plus dissuasives possible, pallier à la mauvaise répartition des taxes entre le niveau central, provinciale et les entités administratives décentralisées, renforcer les engagements pris par la RDC sur le plan international. Reconnaître le rôle des communautés locales et peuples autochtones en tant que gardien des forêts depuis séculaire, Etc…
Les actions à prendre et recommandations
Le nouveau régime fera mieux de procéder :
- Au renforcement de l’assainissement du secteur forestier et faunique, à l’élaboration de la politique forestière et à la lutte contre l’exploitation illégale, à la lutte contre l’impunité des criminels forestiers et fauniques, au renforcement des inspecteurs forestiers et des éco gardes, à l’équipement des services du contrôle forestier et à la mise en place d’un mécanisme de contrôle efficace dans les frontières…
- A redorer l’image du secteur forestier et permettre à celui-ci de contribuer suffisamment au bien-être des congolais et au budget national par une fiscalité et un contrôle forestier transparent.
- A renforcer la participation de la société civile environnementale comme une des parties importante dans la conception, l’élaboration et la mise en œuvre des politiques et programmes du secteur des ressources naturelles, capable de proposer des idées et initiatives allant dans le sens d’améliorer la gouvernance afin que les ressources naturelles contribuent au trésor publics et bénéficient réellement aux populations locales et peuples autochtones.
- A promouvoir des approches innovantes qui valorisent l’économie verte et qui classent les forets au rang de ressources stratégiques face aux moteurs de déforestations et dégradations de forêts.
- A mettre en place des alternatives appropriées et adaptées, réalisées en faveur des communautés locales et peuples autochtones riveraines des forets afin de réduire la pression sur les ressources en général et ressources forestières en particulier, notamment par l’électrification des milieux péri -urbains et ruraux, la promotion et l’utilisation de l’énergie propre, soit renouvelable (énergie solaire) à la place de la carbonisation à outrance.
- A développer l’écotourisme dans le cadre d’un partenariat public-privé.
- A valoriser et domestiquer les produits forestiers Non ligneux (PFNL) et les ressources.
- A faciliter l’obtention des concessions des forets des communautés et Aires protégées communautaires conformément au respect de la règlementation en vigueur.
Alfred NTUMBA