L’augmentation des températures, les pluies moins prévisibles, exacerbent la sécheresse et les inondations qui dévastent les champs et emportent avec elles les récoltes. Les revenus des agriculteurs s’amenuisent et nombre de parents se retrouvent contraints de donner leur fille à mari.
En novembre 2017, Gethin Chamberlain une journaliste, rapporte dans une enquête menée dans les villages du Sud du Malawi à ceux de la côte du Mozambique, pour le compte de l’hebdomadaire britannique The Observer, que « pour de plus en plus de filles, la manifestation la plus palpable du réchauffement climatique est le bébé qu’elles tiennent dans leur bras ».Fait assez rare pour être mentionné tant il est vrai que le profane en matière d’environnement voit plutôt la levée du niveau de la mer ou encore les menaces d’extinction qui pèsent sur les espèces animales et végétales.
Pourtant cette crise croissante du réchauffement climatique est en train de modifier les comportements des populations, en dépit de leurs ignorance ou insouciances de l’actualité des grands sommets mondiaux sur le climat.
« Je n’ai jamais eu le désir de me marier à ce jeune âge, confie-t-elle à The Observer. Je voulais aller à l’école. Mais j’ai été forcée par mon père. Notre famille n’ayant pas assez de nourriture pour survivre. Mon père a accepté une proposition de mariage parce qu’il ne pouvait pas non plus me soutenir pour aller à l’école», déclare Carlina interrogée dans cette enquête, sans nécessairement accusée son père Carlitos qui se défend de n’avoir jamais choisi de la marier avant l’âge. Avant de donner Carlina à marier, l’homme de 49 ans subvenait aux besoins de sa famille par la pêche et l’agriculture. Puis, le temps s’est déréglé et il n’y avait plus de poisson. S’il « était capable de nourrir » ses enfants, il « ne l’aurait pas poussée à se marier si jeune » précise Chamberlain. Le changement climatique dicte désormais sa loi pour des unions futures.
La pauvreté une des causes principales du mariage d’enfants
Alors que l’humanité célèbre ce 11 Octobre la journée internationale de la fille, Baudouin KIPAKA Coordonnateur de l’ONG Arche d’Alliance- membre de la Coalition congolaise contre les Mariages d’Enfants CCCME, indique que « les filles des familles pauvres sont susceptibles d’être mariées avant l’âge adulte. Si nous nous voulons réellement lutter contre la pauvreté et mettre fin au mariage d’enfants, nous devons donner aux filles les outils dont elles ont besoin pour investir dans leur avenir ».
Par son thème cette année : mettre fin au mariage d’enfants, investissons dans l’instruction et la qualification professionnelle des filles, la communauté internationale et l’organisation « filles pas épouses » veut éviter cette triste expérience de Nafissa, une adolescente nigérienne citée dans Une étude sur le mariage précoce des filles, menée par le Groupe de la Banque Mondiale et publiée sur son site en Aout 2017: « J’ai arrêté l’école quand je me suis mariée .À cause de la mentalité des gens et de leurs préjugés. Le mariage a eu lieu pendant des vacances scolaires. Je suis tombée enceinte et je ne suis plus jamais retournée en classe. »
« En plus de porter un coup d’arrêt aux espoirs et aux rêves des jeunes filles, les mariages précoces freinent les efforts de lutte contre la pauvreté, de même que la réalisation des objectifs de croissance économique et d’équité », souligne Quentin Wodon, co-auteur du rapport.
ODD 5, cible 1 : mettre fin dans le monde entier, à toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et des filles.
Un mariage précoce est lourd de conséquences pour les principales intéressées, mais aussi pour leurs enfants, leur famille et même leur pays. Les Nations Unies ont fait de la fin de cette pratique l’une des cibles de leurs Objectifs de développement durable. Selon un nouveau rapport (a) du Centre international de recherche sur les femmes (ICRW) et du Groupe de la Banque mondiale, les mariages précoces coûteront des milliers de milliards de dollars aux pays en développement d’ici 2030.
Pour Roger-Mark De Souza, démographe américain directeur de la population et de la sécurité environnementale, au Woodrow Wilson Centre, à Washington et interrogé par l’hebdomadaire britannique, Investir dans l’éducation peut non seulement réduire la vulnérabilité des filles et des femmes aux désastres liés au climat mais ceci peut aussi relever le défi des inégalités de genre sous-jacentes, qui augmentent leur marginalisation et leur exploitation face au changement climatique.
En RDC, selon l’enquête conjointe EDS Ministère du Plan et Ministère de la Santé, en 2014 43 % des femmes âgées de 25 –49 ans étaient déjà en union avant d’atteindre l’âge de 18 ans. Le gouvernement a adopté un programme national pour éradiquer ce phénomène, mais son action reste peu visible.
François MUKANDILA