Forêt : La nouvelle direction de l’Assemblée de l’UA peut-elle créer des opportunités pour les forêts tropicales du Bassin du Congo ?

Le 38ᵉ sommet de l’Union africaine (UA), qui s’est tenu la semaine dernière à Addis-Abeba en Ethiopie, a marqué un tournant décisif dans la quête du continent pour l’unité, la justice et l’autonomie. Sous le thème  « La justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine par les réparations », l’assemblée a abordé les questions relatives aux injustices historiques, l’autonomie financière et les défis sécuritaires en cours.

Pour la première fois, l’UA a placé les réparations de l’esclavage et du colonialisme au premier plan de son agenda. Cette prise de position s’inscrit dans un mouvement mondial plus large qui commence à reconnaître les impacts durables des injustices historiques sur les sociétés africaines. L’une des plus grandes et des plus catastrophiques de ces injustices est l’exploitation des ressources naturelles africaines – des forêts aux lacs, en passant par le pétrole sous son sol – pour le bénéfice des pays du Nord.

Le Bassin du Congo s’étend sur plus de 500 millions d’acres à travers six pays et abrite une part considérable de la biodiversité terrestre de l’Afrique. Il assure la subsistance de plus de 75 millions de personnes, y compris les peuples autochtones et les communautés locales, tout en jouant un rôle essentiel de puits de carbone dans la lutte mondiale contre la crise climatique.

Un moment clé du sommet a été l’élection du ministre des Affaires étrangères de Djibouti, Mahmoud Ali Youssouf, en tant que nouveau président de la Commission de l’Union africaine (CUA).

Les communautés locales et autochtones, dont l’existence est menacée au quotidien  par l’exploitation abusive des forêts, scrutent avec attention le nouveau staff de l’UA. S’agit t-il  d’un énième changement  de leadership ou pouvons-nous espérer des solutions concrètes qui respectent véritablement les droits de ces voix puissantes qui, jour après jour, se battent pour protéger les forêts africaines ? Le moment est venu pour les décideurs africains de prendre les mesures nécessaires afin que des changements réels se produisent sur le terrain.

Reconnaissance et inclusion des droits des peuples autochtones

Les droits des peuples autochtones et des communautés locales doivent être officiellement reconnus. Ces groupes sont les gardiens du Bassin du Congo ainsi que de ses ressources. Leur savoir ancestral et leur connaissance approfondie de l’écosystème leur permettent de coexister avec la nature tout en gérant durablement les ressources forestières. Malheureusement, ils sont souvent exclus des discussions et décisions relatives à la gestion des forêts, au financement de la conservation et à la reconnaissance légale de leurs droits.

Face aux menaces croissantes pesant sur la forêt du Bassin du Congo – déforestation, exploitation forestière illégale, développement d’infrastructures, activités minières et expansion agricole – il est impératif de protéger les droits des peuples autochtones et des communautés locales. Cela ne relève pas seulement de la justice, mais constitue également une nécessité stratégique pour assurer la protection et la restauration durable de la forêt à long terme.

Un financement direct pour les véritables protecteurs des forêts

Les fonds doivent être alloués aux acteurs clés de la protection des forêts, en particulier aux peuples autochtones et aux communautés locales (IPLC). Dans un développement majeur, les dirigeants africains ont approuvé la création du Mécanisme africain de stabilité financière (AFSM), un fonds continental destiné à prévenir les crises de la dette. Géré par la Banque africaine de développement, ce mécanisme vise à réduire la dépendance aux donateurs externes en offrant des prêts concessionnels aux pays membres, favorisant ainsi la stabilité économique.

Cette initiative marque un tournant stratégique vers l’indépendance financière, permettant aux nations africaines d’aborder leurs défis économiques avec plus d’autonomie. Cependant, pour garantir une gestion efficace et équitable de ce mécanisme, l’implication des communautés locales est essentielle. L’accès direct aux financements est crucial, car les peuples autochtones et les communautés locales font souvent face à desobstacles bureaucratiques, un manque d’expertise technique ou une faible reconnaissance par les institutions financières lorsqu’ils cherchent un soutien pour leurs initiatives de conservation.

Changer cette réalité leur donnerait les moyens de mener des projets de conservation, de restaurer les écosystèmes, d’améliorer leurs moyens de subsistance durables et de participer plus activement aux processus décisionnels.

Une coexistence avec la nature au cœur des politiques de développement

L’une des grandes forces du continent africain a toujours été sa capacité à coexister en harmonie avec la nature. Cet aspect fondamental doit être intégré dans toutes les politiques de développement. Il est louable de chercher à améliorer les conditions de vie, mais ces efforts échoueront si des éléments essentiels comme les forêts ne sont pas prioritaires.

Imaginez une ville naguère prospère, mais devenue invivable à cause de vagues de chaleur extrême ou d’inondations fréquentes. Ce scénario catastrophique est hélas devenu réalité dans bon nombre de pays africains.  Garantir un accès aux financements pour les communautés locales est une nécessité absolue si nous voulons mettre fin aux catastrophes écologiques en Afrique.

Par Dorine NININAHAZWE, Conseillère politique, Greenpeace Afrique

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