L’Afrique croule sous les déchets plastiques. Une crise qui puise ses racines dans l’industrie des combustibles fossiles. Dans plusieurs pays africains, les taux de pollution plastique atteignent des sommets alarmants. Bien que la pollution plastique soit un enjeu environnemental à l’échelle mondiale, le continent africain se trouve confronté à des défis spécifiques, notamment en raison de l’importation massive de produits plastiques, de leur faible taux de réutilisation et de l’afflux ininterrompu de déchets plastiques en provenance des pays du Nord. La crise de la pollution plastique est l’un des symptômes les plus visibles d’un système défaillant qui sacrifie à la fois l’humanité et la planète.
Cette semaine, les dirigeants mondiaux se réunissent à nouveau à Busan, en Corée du Sud, pour le cinquième et le plus crucial cycle de négociations du Traité Mondial sur les Plastiques. Il s’agit là du dernier tournant dans le marathon pour l’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution par les plastiques, grâce à une approche qui englobe l’ensemble du cycle de vie des plastiques, comme le prévoit la résolution 5/14 de l’AENU, adoptée il y a deux ans. Malgré un schisme politique grandissant, les dirigeants mondiaux ont encore une chance de prouver qu’ils sont du côté des populations et de la planète.
La production et la consommation de plastique ont considérablement augmenté à l’échelle mondiale au cours de la dernière décennie, atteignant des niveaux insoutenables. Il est donc urgent de déployer des efforts significatifs et collectifs pour s’attaquer aux principaux facteurs de la pollution plastique. Cet objectif ne peut être atteint que si l’on considère l’ensemble du cycle de vie des matières plastiques, de l’extraction à la production, en passant par l’utilisation et l’élimination.
Partout en Afrique, les communautés subissent de manière disproportionnée les effets néfastes de l’industrie du plastique sur la santé, en raison des usines pétrochimiques, de l’incinération des déchets, des décharges, des plans d’eau contaminés et des déchets plastiques importés. La production de plastique a un impact particulièrement sévère sur les communautés à faibles revenus et marginalisées. Pourtant, les grandes entreprises ne tiennent pas compte de ces conséquences et se soustraient à leur obligation de rendre des comptes.
Alors qu’il ne reste qu’un peu plus de sept jours de négociations, le monde entier a les yeux rivés sur la course contre la montre que livrent les dirigeants du cinquième comité intergouvernemental de négociation (INC-5) pour respecter leur engagement de produire un instrument mondial juridiquement contraignant qui mettrait fin à la pollution plastique. Autre impératif: cet instrument devra être ambitieux, efficace et juste. Il s’agit d’une occasion rare d’établir des règles mondiales pour préserver notre planète, notre santé et celle des générations futures.Toutefois, une question pertinente demeure : Nos dirigeants se montreront-ils à la hauteur ou danseront-ils au diapason des lobbyistes des combustibles fossiles, comme cela a été le cas lors des précédentes INC ?
Les plastiques représentent une bouée de sauvetage pour une industrie des combustibles fossiles en déclin, alors que le monde s’oriente vers des sources d’énergie renouvelables.Il faut s’attaquer à la production de plastique dès maintenant, avant qu’elle n’augmente. De la production à l’élimination, la pollution plastique est une atteinte à nos droits humains. Elle exacerbe les injustices sociales, dégrade notre environnement et aggrave les inégalités causées par la crise climatique.. Les États membres ne doivent pas laisser les intérêts des combustibles fossiles influencer les négociations du traité et en diminuer l’ambition. Mettre un terme à la dépendance des entreprises au plastique est l’unique moyen de se détourner des combustibles fossiles, combattre le changement climatique, réduire la pollution et protéger les communautés. Il faut également que les Etats membres parviennent à faire avancer les négociations sans que les pays à faible ambition et les producteurs de pétrole et de gaz n’en dictent les termes. Ils doivent saisir cette occasion pour donner la priorité aux règles mondiales contraignantes les plus importantes et rejeter fermement toute velléité de ralentissement de la part des détracteurs.
Les dirigeants mondiaux doivent se faire les champions d’un traité qui réduira considérablement la production de plastique et assurera une transition équitable pour les travailleurs et la santé des communautés les plus touchées tout au long de la chaîne de valeur du plastique. Le traité doit être ancré dans la justice, les droits de l’homme et l’équité ; il doit fournir des moyens de subsistance alternatifs à ceux qui dépendent de l’industrie du plastique. Toute autre solution serait préjudiciable à l’humanité et à la planète.
La crise du plastique à laquelle sont confrontés les Africains ne peut être résolue par un simple traité sur la gestion des déchets. À l’échelle mondiale, des mesures de réduction de la production drastiques et contraignantes seront indispensables pour établir un traité capable de freiner la pollution plastique dans son avancée dévastatrice et d’espérer enfin réaliser l’objectif de la résolution 5.2 de l’ANUE. L’humanité ne doit pas laisser passer cette chance unique qui se présente une fois par génération !!
Écrit par Hellen Kahaso Dena
Chef de Projet – Projet Plastique Panafricain chez Greenpeace Afrique