La question de la levée du moratoire sur les forêts de la République démocratique du Congo ne cesse de préoccuper plus d’un congolais. Si les aspects de gouvernances et des conditions adéquates à remplir pour lever cette mesure prise depuis 2002, ont été relevés à Kinshasa par certains observateurs lors du lancement de l’atelier de réflexion initié à ce sujet par le gouvernement, cette question s’est invitée également aux audiences que le ministre de l’Environnement et développement durable, Amy Ambatobe a accordé aux acteurs de la société civile et Ongs internationales à Bonn en Allemagne.
Pour Amy Ambatobe, le secteur forestier de la RDC est confronté à de redoutables défis. Conséquence, les recettes publiques générées par ce secteur sont considérablement inférieures aux taux officiellement évalués.
A en croire le ministre, cette situation s’explique notamment par la limitation d’exploitation des ressources forestières, la gouvernance du secteur et la restriction d’attribuer des nouvelles allocations forestières aux nouveaux exploitants. « Ce moratoire tire ses origines des graves faiblesses de la gouvernance des forêts, ainsi que du passé problématique de l’attribution des titres forestiers. Aujourd’hui, plusieurs arguments plaident en faveur de la levée de ce moratoire », a-t-il précisé.
Lever le moratoire pour générer des recettes
Depuis quelques années, la République Démocratique du Congo a déclenché une série des réformes visant à assainir le secteur forestier et à le rendre significativement contributif au développement socioéconomique national. Pour consolider cet élan des réformes, un moratoire portant suspension de l’octroi des allocations forestières a été décrété en 2002 et renforcé en 2005.
Toutefois, cette mesure transitoire avait ouvert une brèche, en posant des conditions à remplir pour la levée dudit moratoire. Notamment, la conversion des anciens titres d’exploitation forestière en contrats de concession forestière, l’adoption d’un processus transparent d’attribution à moyen terme des concessions et le développement d’un processus de planification géographique triennale des futures attributions.
Selon le ministre, deux de ces trois conditions ont été pleinement remplies par le gouvernement. Et que la troisième est en théorie assez facile à satisfaire parce que non seulement elle est exprimée de manière assez vague qui ferait l’objet d’un débat entre parties prenantes pour la surmonter mais aussi et surtout, elle ne précise pas explicitement la nécessité d’inclure des acteurs non forestiers. « Il y a lieu de faire remarquer que le moratoire n’est pas une fin en soi, mais une période pour permettre à notre pays de maitriser les paramètres de la gestion durable de nos forêts.
15 ans après la suspension de l’octroi des allocations forestières, beaucoup de voix se lèvent déjà pour réclamer la fin de ce moratoire. Un autre son de cloche exige le maintien de ce dernier, alors que les préjudices subis par le pays du fait du maintien du moratoire sont énormes en comparaison avec d’autres pays du bassin du Congo », a-t-il précisé. « L’unique volonté du peuple congolais et de son Gouvernement est de voir la ressource forestière et son potentiel économique devenir une nouvelle locomotive du développement national ».
Amy Ambatobe soutient tout de même que la levée du moratoire favorisera par un processus transparent d’adjudication, la mise en place de nouvelles allocations dans un futur proche, soit 3 ans à la suite de la programmation géographique.
Dans un pays confronté aux multiples difficultés financières dues notamment à la baisse de cour des matières premières, la levée du moratoire sur les forêts congolaises est un impératif pour aider à élargir l’assiette fiscale afin de contribuer au trésor public, la réduction de l’exploitation forestière artisanale non contrôlée, la maîtrise du suivi et du contrôle des opérations d’exploitation forestière illégale, ainsi que la création d’emplois décents et d’unités de transformation plus poussées du bois susceptibles de donner une plus-value aux produits issus de l’exploitation forestière congolaise.
15 ans d’immobilisme et des préjudices
Les préjudices subis par le pays du fait du maintien du moratoire sont énormes, souligne le Ministre. Notamment l’immobilisation de 11 millions d’hectares des forêts de production permanente, constituant un manque à gagner de l’ordre de 6,5 millions $US sur les redevances annuelles de superficies, 2 milliards de $US de perte de la production forestière annuelle sous régime d’aménagement durable, et 2 milliards $US de perte annuelle de paiement de services environnementaux dû à la conservation de stocks de carbone pour ces forêts devant être exploités sous plans d’aménagement.
A cela s’ajoute également, l’empêchement des nouveaux acteurs d’entrer sur le marché d’exploitation de ressources forestières. Ce qui a sans doute contribué à l’émergence d’un « secteur artisanal semi-industriel », soumis à moins de contrôle et jouissant d’une impunité, tout en contribuant moins au développement du pays que le secteur industriel, faisant perdre à la République d’importantes recettes fiscales et non fiscales de plus de 50 millions $US. Peut-on lire dans cette communication.
Alfred NTUMBA