A la veille du sommet de trois bassins tropicaux à Brazzaville (Congo), une étude met en lumière un déficit criant des financements nécessaires pour la nature. L’étude menée par l’Institut Paulson et publié ce mardi 24 octobre 2023, indique qu’il existe un déficit de financement naturel de 700 milliards de dollars par an, dont 500 milliards de dollars pourraient être comblés par la réallocation de fonds publics, les 200 milliards de dollars restants devant être financés par de nouveaux fonds.
A en croire les chercheurs, aucune source de financement n’est susceptible de combler complètement le déficit de financement de la nature. Mais, il existe une série de solutions qui gagnent en popularité parmi et qui peuvent être mises à contribution.
Ce sommet intervient à un moment critique pour les forêts tropicales d’autant plus que l’argent destiné à la protection et à la restauration des forêts tropicales n’est pas à la hauteur de l’ambition politique affichée lors de la COP26 à Glasgow.
Selon les estimations, 460 milliards de dollars par an sont nécessaires pour la protection et restauration de tous les types de forêts dans le monde (pas seulement les forêts tropicales), alors que les financements estimés à 2022 représentent moins de 1 % de cette somme, soit une moyenne de seulement 2,3 milliards de dollar par an. Les marchés de compensation volontaire du carbone n’ont pas été la solution miracle promise en matière de financement.
Les chercheurs relèvent aussi que la multiplication des entreprises affichant des objectifs zéro carbone et revendiquant la neutralité carbone a augmenté de manière exponentielle en 2019, ce qui a suscité des attentes vis-à-vis des marchés de compensation volontaire du carbone pour combler le déficit de financement des forêts.
L’étude révèle qu’en 2022, le nombre de crédits carbone émis pour des projets de protection de la forêt a augmenté dans le marché de compensation volontaire du carbone, avec des revenus atteignant à peine 1,3 milliard de dollars sur les 460 milliards de dollars de financement nécessaires. Même aux plus hauts niveaux de prédictions, l’institut Paulson prévoit que le financement du marché du carbone pour la nature dans son ensemble (et pas seulement pour les forêts tropicales) pourrait représenter entre 24,9 et 40 milliards de dollars par an d’ici à 2030, sur les 700 milliards de dollars de déficit de financement de la nature par an.
« Les enquêtes et les recherches publiées depuis lors ont mis en évidence plusieurs problèmes liés au recours aux marchés du carbone comme solution de financement pour les forêts. En raison de l’absence d’une réglementation solide, il est constaté une grande disparité dans les normes, les règles et les niveaux de référence utilisés pour mesurer l’absorption et la réduction du carbone. Cela permet aux développeurs de projets du marché de compensation volontaire de gonfler les estimations de la quantité de carbone supplémentaire éliminée ou réduite par les projets forestiers, ce qui soulève des questions quant à l’intégrité des accords conclus », précisent les chercheurs.
L’étude fustige également que des courtiers et des promoteurs de projets s’approprient une grande partie des bénéfices liés au crédit, alors que les populations et les projets sur le terrain ne recevaient qu’une part minime de l’argent. Cela augmente le risque que les communautés locales ou les peuples indigènes ne soient pas payés à leur juste valeur pour leur rôle dans la création de projets ou la restauration des forêts.
Alfredo Prince NTUMBA