Les Etats d’Afrique centrale doivent désormais compter sur les communautés locales et peuples autochtones comme de vrais partenaires de la conservation. Cela exige des réformes progressives qui sécurisent les droits de ces communautés. Telle est la réflexion partagée par RRI (Rights Resources Initiative), lors de la 19ème réunion du Partenariat pour les forêts du bassin de Congo (PFBC), tenue à Libreville, du 05 au 09 juillet.
Dans une interview exclusive accordée à Environews RDC, le directeur du programme Afrique de RRI, Patrick Kipalu a invité les Etats membres du bassin du Congo à reconnaître que les communautés locales jouent un rôle important qui ne doit plus être ignoré dans toutes leurs initiatives de conservation de la biodiversité.
« Il est temps que nous puissions prendre des décisions courageuses de pouvoir reconnaître effectivement et en pratique, le rôle que les peuples autochtones et communautés locales ont joué dans la conservation et le gardiennage de nos forêts. Et, de pouvoir former nos cadres légaux pour leur donner la sécurisation foncière et forestière dont elles ont besoin », a-t-il déclaré.
A l’en croire, la conservation pratiquée jusque-là a démontré ses limites et ne doit plus être promise. En lieu et place, il faut que les Etats, et les partenaires adaptent les mécanismes de financements au niveau global actuel pour pouvoir rencontrer les réels besoins de ces communautés, afin qu’elles soient capables de faire de la conservation communautaire qui contribue effectivement à la lutte contre le changement climatique et à l’amélioration de la biodiversité.
« Nous participons à cette rencontre pour nous rassurer que la place, et les droits des communautés qui ont contribué à pouvoir garder ces forêts débout depuis toujours puissent être pris en compte de manière particulière dans toutes les solutions qui seront mises sur la table, pour l’amélioration de la gestion et de la conservation des forêts du bassin du Congo », a précisé Monsieur Kipalu.
Il a par ailleurs insisté sur le fait que les Etats du bassin du Congo doivent avoir des cadres juridiques progressifs qui clarifient la tenure foncière. « Dans beaucoup des pays du bassin du Congo, les lois foncières sont inspirées de modèles coloniaux. Les Etats ont ravi tous les droits de propriétés aux communautés, et pourtant elles jouent un rôle très important dans la sécurisation et la conservation de ces forêts », s’est-il indigné.
Selon cet expert, il est prouvé après 50 ans de recherches que sur les terres et forêts où les droits des communautés autochtones et locales sont reconnus et sécurisés, le taux de déforestation est moindre et le taux de la biodiversité est élevé. Ces forêts-là emmagasinent beaucoup plus de carbone que les autres forêts gérées par les Etats et les entités privées. Ces forêts et ces terres répondent aux besoins de moyens de subsistance pour beaucoup des communautés et peuples autochtones que celles gérées par les gouvernements et les entités privées.
« Il est très important de mettre ça en exergue des réformes progressives qui reconnaissent et qui sécurisent les droits des communautés autochtones et locales sur leurs terres et leurs forêts traditionnelles. Il faut leur octroyer des possibilités non seulement légales, mais aussi financières de pouvoir mettre à profit leurs pratiques et connaissances traditionnelles », a renchéri Patrick Kipalu.
Pour le directeur du Programme Afrique du RRI, seulement 1% du flux financier mobilisé au niveau mondial cible les questions foncières des communautés locales et des peuples autochtones. Il faut donc changer ce paradigme et corriger cette injustice faite à l’endroit de ces peuples protecteurs des forêts.
« Il est temps de pouvoir repenser la structure des financements mondiaux sur les questions de gestions forestières et foncières. Il y a des lacunes dans l’écosystème actuel de financements mondiaux », a-t-il insisté.
De retour de Libreville, Alfred NTUMBA