Un folklore que les bailleurs des fonds et autres acteurs clés de l’environnement ne veulent plus revivre. Dans un communiqué conjoint publié ce mercredi 14 juillet, Greenpeace Africa, la Rainforest Foundation UK et la Rainforest Foundation Norway s’inquiètent d’un plan annoncé par Eve Bazaiba visant à lever l’interdiction des nouvelles concessions d’exploitation forestière dans la deuxième plus grande forêt tropicale du monde.
« Le moratoire national, en vigueur depuis 2002 face au chaos généralisé dans l’industrie forestière, a été constamment violé. Sa levée permettrait cependant davantage une braderie massive du territoire national, mettrait en péril les communautés locales et exacerberait les crises climatiques et de biodiversité », indiquent-elles dans leur communiqué.
L’adoption du plan par le Conseil des ministres vendredi dernier fait suite à un mois de silence assourdissant de la vice-premier ministère de l’Environnement sur l’attribution illégale l’an dernier de 1,4 million d’hectares de concessions dites « de conservation » à des intérêts miniers.
« Au total, le prédécesseur de Mme Bazaiba, Claude Nyamugabo, a attribué plus de quatre millions d’hectares de concessions illégales – une superficie supérieure à environ quatre fois la ville de Kinshasa. L’effort de la ministre de déguiser la levée de l’interdiction en une mesure de ‘bonne gouvernance’ ne trompe personne. C’est un plan cynique qui ne ferait que céder encore plus du territoire de la RDC à des entreprises étrangères désireuses de saccager la forêt, ouvrant un nouveau boulevard aux forestiers », a déclaré Irène Wabiwa, responsable de la campagne forêt de Greenpeace Africa.
Avec le chaos actuel dans le secteur forestier et l’absence de planification de l’utilisation des terres, cette mesure est une menace à la fois pour les personnes et la nature, s’indignent ces organisations internationales.
Pour Kévin Sasia, Directeur pays de la Rainforest Foundation Norway en RDC, « énoncer la levée du moratoire comme un objectif en soit, sans en préciser ni les contours ni les modalités, est une approche qui nous interpelle. En particulier, la conduite d’un aménagement du territoire cohérent avec les ambitions et objectifs du pays en matière climatique et de développement durable doit être un préalable absolu. A l’heure actuelle, une levée du moratoire est inenvisageable ».
La décision de Eve Bazaiba intervient à deux mois de la signature de la nouvelle lettre d’intention entre la CAFI (Initiative pour les forêts d’Afrique centrale). Quoi de plus normal de s’interroger sur l’ultime nécessité de jeter l’opprobre sur toutes les négociations entamées avec la CAFI pour ramener son financement à hauteur de 1 milliard de dollars pour protéger les forêts congolaises.
« Face à l’urgence climatique croissante et aux problèmes chroniques liés aux titres d’exploitation forestière existants en RDC, l’accent doit sûrement être mis sur la réduction de l’industrie, et non sur son expansion », a déclaré Joe Eisen, directeur exécutif de la Rainforest Foundation UK.
Selon ces organisations, une levée du moratoire contredirait l’engagement du président Félix Tshisekedi de réduire les émissions de gaz à effet de serre de la RDC de 17% et de restaurer sa couverture forestière à 63,5% d’ici 2030.
« Nous appelons à nouveau le président Tshisekedi à renforcer le décret présidentiel de 2005 prorogeant le moratoire », ont-elles conclu.
Se sentant menacée de tout bord, la vice premier ministre de l’Environnement a lancé des consultations à ce sujet. Elle recevra les délégués de la société civile en fin de semaine en cours. Est-ce pour faire marche arrière ? Et pourtant, c’est par là qu’elle devrait commencer. L’avenir nous en dira plus.
Alfredo Prince NTUMBA