Les grandes villes des pays en voie de développement, notamment en Amérique Latine et en Africaine sub-saharienne qui subissent un accroissement démographique énorme sont confrontées à de multiples difficultés, parmi lesquelles les problèmes d’assainissement, et plus particulièrement de la gestion des déchets et des ressources en eaux urbaines.
La ville de Kinshasa en général et d’autres grandes villes de la RDC en particulier, se trouvent depuis ces trois dernières décennies submergées de dépôts anarchiques des déchets, surtout au niveau des marchés et des quartiers populaires. Ces ordures constituent un important facteur d’inondation, pollution des cours d’eau, des odeurs désagréables et sont à la source de nombreuses maladies hydriques infectieuses et épidémiologiques comme diarrhée bacillaire, fièvre typhoïde, choléra, paludisme etc… qui affectent régulièrement la population avec une importante perte humaine.
En fait, les déchets sont l’ensemble des activités de pré collecte, de collecte, de valorisation et de traitement des déchets enfin de réduire à plus de 60% l’entreposage, c’est-à-dire la mise en décharge.
Avant de lancer l’opération Kin Bopeto, on suppose que les initiateurs ont pu faire un plan stratégique de la gestion des déchets urbains et assimilés à l’échelle d’une grande ville comme Kinshasa (plan d’action immédiate, à court, moyen et long terme). Sans cela, Kin Bopeto aboutira à un échec comme de nombreux autres projets initiés et réalisés à Kinshasa, tels que le Programme d’Assainissement Urbain de Kinshasa (PAUK) et le projet Réhabilitation et Aménagement Urbain de Kinshasa (PARAU), financés par l’Union Européenne de l’ordre de plusieurs centaines de million de dollars, note le prof Poté.
MEILLEURE GESTION
Pour une meilleure gestion des déchets il faut tenir compte de huit aspects (non exhaustif): 1. Le taux de génération des déchets. Où il faudrait préalablement estimer le taux de génération, c’est-à-dire la production spécifique des déchets (nombre de kg/jour/habitant). Cela doit se faire en fonction de la stratification de la ville (quartiers en haut, moyen et bas standing, marchés et espaces publiques),
2. La caractérisation différentielle des déchets. Il faut connaître la typologie des composantes des déchets, c’est-à-dire le pourcentage des déchets organiques, plastiques, papiers, ferrailles (métaux), piles, verres, vêtements et particules fines (sable et poussières de dimension inférieure à 20mm). Question de permettre une appréciation des possibilités de valorisation, traitement et d’élimination (recyclage, compostage, bio méthanisation, incinération, décharge contrôlée). A cela, il faut ajouter les différentes analyses physicochimiques comme la densité (pour connaître le nombre de m3 des déchets/jour/hab), le pouvoir calorifique, l’humidité, le pH, le rapport C/N et la biomasse bactérienne.
3. Estimation et optimisation du coût de gestion. Le plan stratégique de pré collecte, de collecte, de valorisation (recyclage et traitement) doivent être estimés pour au moins deux premières années de la mise en œuvre. Selon notre recherche pilote en cours (financée par l’Ambassade Suisse en RDC) dans la commune de Bumbu par exemple, les coûts d’investissement de la pré collecte et de la collecte incluant: matériels de pré collecte et de collecte principale, organisation et suivi de la pré collecte et de la collecte, coûts de fonctionnement de la pré collecte et de la collecte et mise en décharge s’élève à 9 $/ménage/an (pour une moyenne de 6 personnes /ménage). Avec une population d’environ 300’000 habitants le coût de gestion des déchets pour cette commune est estimé à environ 314’524 $/année (excluant le salaire des agents).
4. La mise en décharge est l’un des aspects très importants pour la réussite de ce projet Kin Bopeto. Pour lui, la décharge bioactive (Centre d’Enfouissement Technique (CET)) de Mpasa, construite sur le sable avec une géomembrane très facilement dégradable, n’est pas appropriée. Le choix d’un autre site ou l’optimisation de CET est l’un des premiers aspects à tenir compte pour la réussite de Kin Bopeto.
Autrement ce n’est qu’un déplacement du problème d’un endroit à un autre, rendre les rues et espaces publiques éventuellement propres pour polluer le sol et l’environnement aquatique situés en dehors de la ville. Il faut noter que ce qui pose le plus de problème sanitaire ce n’est pas la fraction solide visible, mais la dissémination des micropolluants organiques et inorganiques issues de la fraction solide et des effluents liquides.
5. Les actions de sensibilisation et d’éducation à tous les niveaux. Selon notre étude en cours, dans la commune de Bumbu par exemple, un montant annuel de 50’000 $ USA est nécessaire pour les campagnes de sensibilisation et d’éducation en matière de la gestion des déchets solides et des effluents urbains dans cette commune.
6. Le financement de l’opération. Les initiateurs de cette opération ne devraient pas lancer les actions sans tenir compte des aspects financiers. Je pense qu’ils ont bien estimé, en tenant compte de taux de génération des déchets, l’état de charroi automobile, infrastructure dans les différentes communes, mode d’évacuation des déchets, recyclage, traitement, sensibilisation, mise en décharge en fonction du poids et du volume des déchets. Mes études réalisées en 1999 (financée par le Canton de Genève en Suisse) dans la commune de Masina à Kinshasa, ont montré que le taux de production des déchets dans cette commune est en moyenne 0.36-0.51 Kg/hab/j en fonction de la stratification de la commune. Il faudrait maintenant évaluer les données démographiques actuelles, situation économique, niveau des infrastructures, et cadre conceptuel des déchets par la population.
7. Cadre législatif. Je pense que les initiateurs ont mis en place un cadre législatif solide pour commencer cette opération, car on ne peut jamais réussir à gérer les déchets sans une loi sur la gestion des déchets (LGD). La LGD permettra à définir d’abord le terme déchets dans le contexte de Kin Bopeto, et surtout l’élaboration des lois régissant les responsabilités et les obligations de tous les acteurs en matière de la gestion des déchets et de cette opération Kin Bopeto.
8. Cadre institutionnel. Quels sont les acteurs de la gestion des déchets : la ville , les communes, les associations et les ONGs, les entreprises privées ou étatiques ? Qui fait quoi et comment ? Avec quelle fréquence et financement, et qui coordonnent leurs différentes actions menées?
L’occasion pour le prof John Poté de dire qu’il y a une thèse de doctorat en cours dans le cadre de collaboration entre l’Université de Genève, l’UNIKIN et l’UPN, financée par la coopération Suisse depuis 2016. Pour cette recherche doctorale, nous proposons une approche participative basée sur l’outil Mapping/Crow Sourcing. C’est une approche technologique appropriée et adaptée pour la gestion des déchets solides urbains et assimilés au contexte d’une ville comme Kinshasa.
Cette approche a connu une très belle réussite dans plusieurs villes Européennes, Africaines et Sud-Américaines. Nous avons développé des logiciels de télédétection des décharges sauvages à temps réel à l’aide de téléphone mobile. Chaque habitant de la ville peut faire parvenir à temps réel via son téléphone mobile la localisation (GPS) d’une décharge sauvage indiquant son volume, type des déchets et sa position géographique.
L’outil tient aussi compte des aspects du plan stratégique de la gestion des déchets comme je viens de vous expliquer. Cette recherche doctorale a commencé avant cette opération Kin Bopeto, vous le savez bien. Nous sommes prêts à le partager et apporter notre expertise, et surtout nos expériences pour la réussite de Kin Bopeto s’ils sont intéressés. Mais cela n’est pas une obligation ou un handicap pour nous de continuer et finir notre étude. Les résultats seront à la portée de tous les scientifiques du monde.
MARCHE CENTRAL
Le marché est considéré comme un des endroits dont le taux de génération des déchets solides est plus élevé. Pour moi, je suis curieux de voir la modélisation et la simulation du système de gestion des déchets pour Zando avant sa rénovation. Je pense que dans le plan de rénovation, ils ont bien mis le modèle de gestion des déchets qui tient compte des tests de routage, volume et emplacement des containers, fréquence d’évacuation des déchets, gestion des effluents de lavage du marché, etc.
Au vue de notre expérience dans les grandes villes africaines et sud-américaines, ce sont des aspects que nous pouvons bien mettre en place, dimensionner et optimiser. Toutefois, cela dépend de la volonté politique pour l’expertise des spécialistes. C’est dans ce contexte que nous pourrions bien apporter notre contribution pour la réussite de cette opération comme des spécialistes. Mais étant donné qu’en RDC tout le monde est spécialiste dans tous les domaines.
NZIL