Amenagement : Sacrifier le jardin du département de Biologie de l’UNIKIN au profit du béton, (Tribune de Anthony Kikufi)

Il y a peu, l’on croyait que ceci n’était vrai que dans les secteurs sous dépendance des politiques. Erreur, car même le secteur de l’Enseignement supérieur a emboité le pas ! Pour preuve, nous venons d’apprendre, non sans surprise, que l’actuel Ministre de l’ESU procéderait, ce lundi 09 août 2021 à la pose de la 1ère pierre relative à la construction de la nouvelle faculté de pétrole et gaz. Seulement, le site choisi pour l’évènement et, de surcroît, devant abriter la faculté précitée est en réalité : l’actuel jardin expérimental du département de Biologie de la Faculté des Sciences de l’Université de Kinshasa ! En d’autres termes, à l’heure du changement climatique, on sacrifie un jardin au profit du béton. Pourtant, la loi n° 11/009 du 09 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement en son article 21 stipule : « tout projet de développement, d’infrastructures ou d’exploitation de toute activité industrielle, commerciale, agricole, forestière, minière, de télécommunication ou autre susceptible d’avoir un impact sur l’environnement est assujetti à une étude d’impact environnemental et social (E.I.E.S) préalable, assortie de son plan de gestion, dûment approuvés ». Sauf erreur de notre part, ceux qui, de près ou de loin, ont opté pour convier le Ministre à cet exercice ne se sont, jamais, conformés à cette disposition. D’ailleurs, une E.I.E.S digne de ce nom intègre, obligatoirement, les réalités actuelles en vue d’orienter le projet en présence pour des décisions judicieuses. Et, le cas échéant vers des alternatives non conflictuelles !  

Pour la petite histoire, c’est dans ce jardin expérimental qu’eurent lieu les premiers essais de culture (domestication) du Psophocarpus scandens (Kikalakasa), – légume traditionnel longtemps négligé mais dont les analyses nutritionnelles propulsèrent au-devant de la liste des plantes riches en protéines. On y vu cultivées également Sphenostylis stenocarpa (le Haricot-igname Africain), Pachyrhizus erosus (le pois patate), diverses plantes tinctoriales (Bixa orellana, Erythrina spp., Curcuma…), des essences de reboisement (Terminalia superba, Pentaclethra spp., Hymenocardia ulmoides, Ricinodendron heudeloti, Lannea spp., Canarium schweinfurthii), des plantes alimentaires aromatiques, médicinales, etc. 

Qui des visiteurs n’y a pas vu Treculia africana ? Ce grand arbre africain aux gros fruits caulinaires dont les graines riches en protéines servent à la fabrication des bouillies infantiles. Avons-nous oublié, que c’est aussi dans ce jardin expérimental que fut implantée : 

– la toute 1ère champignonnière destinée à la culture des champignons comestibles de RD. Congo ?

– la toute 1ère unité malacologique de RD.Congo destinée à l’élevage des escargots géants africain (Lissachatina fulica)? 

De même, l’unité de mammalogie destinée respectivement à l’élevage du Cricétome de savane (Cricetomys gambianus) ou des rats taupes (Bathyergidae) y a travaillé. Que dire des autres recherches, telles celles en phytoremédiation, visant le secteur de l’Environnement ?

C’est de ce jardin que partaient (encore vrai ce jour), la majorité des plantules utilisées pour lutter contre les érosions qui menacent le site universitaire. La liste étant tellement longue que ces lignes ne pourront la présenter de façon exhaustive. Hélas, avec cette surprenante et douloureuse décision, tout porte à croire que l’Autorité compétente au lieu d’exploiter les périmètres inoccupés dont dispose encore le site de l’UNIKIN préfère « sonner le glas » du jardin expérimental de Biologie. Et ce, sans une alternative officiellement soutenue via une étude d’impact. En attendant, une question reste sans réponse celle concernant les nombreuses expériences autoécologiques en cours dont notamment celles relative à l’écophysiologie ou la phénologie d’une vingtaine d’espèces ligneuses. En guise d’exemplification, nous pouvons citer :

– Gnetum africanum Welw.

Connue sous les noms de M’fumbwa ou Koko, les graines de cette plante mirent 3ans sous terre avant de germer ! Actuellement, après plus de 15ans environs, ses lianes dépassent 8m de haut !

– Pouteria multiflora (A.DC.) Eyma  

Introduite en RDC, par un missionnaire jésuite, sous un nom erroné de Baillonella toxisperma et semée au jardin, son suivi phénologique a permis de corriger l’erreur dans la détermination et de fournir des fruits en vue d’effectuer des analyses biochimiques dont les conclusions démontrèrent une richesse insoupçonnée.

– Gardenia ternifolia Schumach. & Thonn. 

 Cette espèce savanicole bien que très exploitée en Afrique, n’a jamais fourni assez des données afin d’envisager sa domestication à travers le continent. Au jardin expérimental, elle a été suivie pendant plus de 8 ans et fleurit déjà.

– Corynanthe macroceras K. Schum

Espèce forestière proche de Pausinystalia yohimbe, dont 2 individus sont actuellement cultivés depuis plus de 10 ans.   

Un chercheur congolais de notre Alma mater écrivait : « Dans notre pays, les espaces verts constituent le cadet de souci des gestionnaires, ceux-ci n’hésitent pas à autoriser leur destruction dans ou en périphérie des villes au profit de la construction d’infrastructures minéralisées. Les exemples pour Kinshasa sont légion : Eucalyptus de N’djili Quartier1, Symphonies naturelles (Ngaliema), Forêt de Bianda (Mont Ngafula), Forêt de Binza Météo (Ngaliema), Vallée de la Funa/Monastère (Mont Ngafula) … ». A ses observations, il faudra, peut-être, ajouter demain le jardin expérimental de Biologie de l’UNIKIN ! 

Comme quoi : ce qui se décide en pompe, ce qui semble plus important aujourd’hui peut se révéler dérisoire voire inutile demain : que d’efforts consentis, que d’énergies perdues !

Merci et à la prochaine !

Anthony KIKUFI depuis la colline inspirée

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