L’opinion nationale et internationale a appris par la voie des ondes en date du 31 août 2020 l’abattage d’un Okapi dans le Territoire de Lomela dans la Province du Sankuru. L’Okapi est une espèce de mammifère ruminant de la même famille que la girafe, vivant dans des forêts équatoriales d’Afrique, notamment en République Démocratique du Congo. L’instabilité politique qua’a connu la RDC depuis les années 1990 n’a pas laissé sans conséquence cette espèce faisant partie des espèces endémique de la faune sauvage congolaise.
La RDC est dotée d’une variété exceptionnelle d’écosystèmes qui referment une riche biodiversité en flore et faune, nécessitant une protection efficace pour le présent et les générations futures. C’est pour cette raison que le pays s’est doté d’un cadre juridique et institutionnel susceptible de protéger, conserver et gérer durablement ces ressources biologiques.
Le pays a ratifié plusieurs textes juridiques internationaux relatifs à la conservation de la nature (Convention sur la diversité biologique en 1994, Convention sur la conservation des espèces sauvages de flore et de la faune menacées d’extinction, dite Convention CITES en 1976, Protocole de Nagoya sur les ressources génétiques et savoirs traditionnels en 2015). La RDC a également renforcé son cadre juridique national à travers des textes juridiques tels que la loi n°82-002 du 28 mai 1982 portant réglementation de la chasse, la loi n° 14/003 du 11 Février 2014 relative à la conservation de la nature et certaines de leurs mesures d’application.
Le pays est doté d’un cadre institutionnel de gestion des aires protégées et conservation de la biodiversité, en occurrence l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature, ICCN, établissement public à caractère technique et scientifique placé sous tutelle du Ministère de l’Environnement et Développement est la structure.
En dehors de la consternation issue de cette perte en ressource biologique, la nouvelle d’abattage d’une espèce d’Okapi, pourtant intégralement protégée par la RDC, appelle de la part des amis de la nature et de la population congolaise et de l’opinion nationale et internationale un regard particulier sur plusieurs défis de la conservation de la nature en République Démocratique du Congo.
La loi sur la chasse de 1982 appelée à être appliquée dans toute sa rigueur
La réaction, toute vive et instantanée du Ministre de l’Environnement et Développement Durable de la RDC à travers son communiqué de presse du 02 septembre 2020 est l’expression éloquente d’un engagement du pouvoir public dans la protection de la riche biodiversité que possède le pays et à faire respecter la législation congolaise sur la biodiversité. Une responsabilité accrue pour la justice appelée à dire le droit dans un Etat de droit.
La loi sur la chasse est claire en la matière, en ce qu’elle énonce que « quiconque aura été trouvé en possession d’un animal totalement ou particulièrement protégé, vivant ou mort, ou d’une partie de cet animal, sera réputé l’avoir capturé ou tué lui-même à moins d’en fournir la preuve contraire » (art.86).
Existe-t-il des situations exceptionnelles prévues par la loi ?
Selon la loi relative à la conservation de la nature de 2014, « est punie d’une servitude pénale de un an à trois ans et d’une amende de cent mille à un million cinq cent mille francs congolais ou de l’une de ces peines seulement, toute personne qui, dans les réserves naturelles intégrales, les parcs nationaux et les réserves de biosphère…détient ou transporte des espèces de faune et de flore sauvages vivants, leurs peaux ou autres dépouilles… ».
Cette disposition de la loi qui ne s’applique qu’aux réserves naturelles intégrales, parcs nationaux ou réserves biosphères est d’interprétation stricte. Bien que complétant la disposition de l’article 86 de la loi sur la chasse de 1982, mérite quand même une préoccupation quant à la détention de ces espèces totalement et partiellement protégées par une certaine catégorie de personnes en vertu du pouvoir tant coutumier que public qui sont le leur Le cas des autorités coutumières appelées au regard des coutumières locales conformes aux lois et aux bonnes mœurs à se servir des espèces, leurs peaux ou leurs dépouilles pour des rituels et autres La loi n’ayant été expresse en la matière, nous pensons qu’il serait souhaitable que de telles situations soient définies par la loi comme des exceptions au principe. La révision de la loi sur la chasse vielle de plus de trois décennies serait une de voie de sortie.
Nécessité de réalisation des études scientifiques rigoureuses dans les forêts du Sankuru ?
Dans la recherche des solutions diverses liées à cette situation tragique qu’a connu notre écosystème, plusieurs questions méritent d’être soulevées sur le futur de la biodiversité congolaise. L’on serait tenté de chercher à savoir les origines en termes de localisation de cette espèce abattu dans le territoire de Lomela en considération de caractère de transhumance des animaux caractérisée par les déplacements entre certaines provinces.
Cet Okapi serait-il effectivement de Lomela ou bien l’espèce proviendrait d’ailleurs ? Le moment et le lieu précis de capture de cette espèce d’Okapi sont-ils connus ? A-t-on attesté effectivement si ce Territoire de Lomela détiendrait cette espèce ou bien d’autres ? Nous pensons que, des études scientifiques rigoureuses pourraient permettre d’élucider cette situation, et permettre ainsi au gouvernement de prendre des mesures efficaces de protection et de conservation de ces espèces en voie de disparition.
Cette perte d’Okapi appelle un accompagnement de la province de Sankuru dans la gestion de sa biodiversité
Il est principe de droit selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi ». Cela nécessite pour la population une disponibilisation de l’information spécifique sur une matière déterminée. Pour ce qui est de la Province de Sankuru, cette situation dramatique liée à la perte d’une espèce d’Okapi en voie de disparition et peut-être de tant d’autres encore, serait consécutive à une faible information disponible sur la conservation de la nature et un accompagnement moins suffisante, sinon peu disponible des instances appelées à conserver la riche biodiversité de la RDC se trouvant dans cette partie du territoire national. Nous pensons qu’il serait impérieuse de développer en faveur de cette province et des populations riveraines des aires protégées et des forêts, des programmes spécifiques de sensibilisation et d’information sur la législation relative à la conservation de la nature et des forêts ainsi que des programmes d’accompagnement techniques et de renforcement des capacités de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature et des autorités politico-administratives provinciales et locales sur la conservation de la nature dans le Sankuru.
Une conservation pour et par la population de Sankuru est une nécessité
Devant le congrès en date du 13 décembre 2019, le Président de la République relevait que « le peuple d’abord est la boussole et la mesure de sa détermination ». Cela n’est-il pas, dans le contexte de cet abattage d’Okapi, une invitation à mettre la population du Sankuru au centre de développement des programmes de protection de ses forêts et de sa riche biodiversité ? Cela nécessite donc l’implication des différentes structures provinciales et locales dans les efforts de la conservation de la nature.
Avec l’appui des autorités au niveau central, nous pensons que les différentes parties prenantes provinciales et locales ( Gouvernement provincial, Assemblée provinciale, Coordination provinciale à l’Environnement, ICCN, les autorités des ETD, la société civile, les partenaires techniques et financiers, les experts, les communautés locales riveraines, les universités et centres de recherches, etc.) sont appelés à unifier leurs efforts et uniformiser leurs approches pour une gestion durable des ressources naturelles de cette province dont la biodiversité.
ONG Juristes pour l’Environnement au Congo, JUREC conseil
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