« Nous voulons que l’ONU et le gouvernement congolais quittent l’étape de déclarations pour la matérialisation des actions concrètes en faveur des peuples autochtones ». C’est en ces termes que s’est exprimé Valentin Engobo, président de l’Association des peuples pygmées de Lokolama, dans la province de l’Equateur, en République démocratique du Congo. Il a fait cette déclaration en marge de la célébration de la JIPA (Journée Internationale des Peuples Autochtones), instaurée par l’ONU et célébrée le 09 août de chaque année.
« La déclaration de l’ONU consacre notamment le droit des peuples autochtones à la liberté, la sécurité et à participer pleinement à la vie politique, économique, sociale et culturelle de l’Etat. Mais, jusqu’à ce jour, en République démocratique du Congo, les pygmées sont renvoyés au second plan. Nous voulons que l’Etat congolais s’investisse dans la défense de nos droits conformément à cette déclaration qu’elle a ratifiée », a-t-il déploré. « Nous n’avons accès aux postes de responsabilités, parce que nous n’avons pas étudié. Nos enfants aussi. Ceci est injuste ».
Selon le président de l’Association des peuples pygmées de Lokolama, il est impérieux que la situation des peuples autochtones préoccupe toutes les organisations du système des nations unies. Il est donc anormal que la question des peuples autochtones pygmées de Lokolama soit portée seulement par l’ONG Greenpeace Afrique qui les accompagne dans leurs plaidoyers.
Il a lancé ainsi un appel vibrant aux bailleurs des fonds et autres partenaires techniques et financiers qui investissent dans la gestion durable des forêts congolaises, de bien vouloir appuyer les efforts conjugués par les peuples autochtones de Lokolama dans le cadre de leur projet de foresterie communautaire dans la province de l’Equateur.
Grâce à Greenpeace Afrique, les pygmées de Lokolama se sont vus octroyer une concession de forêt des communautés locales en février 2019. Ces peuples autochtones sont les premiers en RDC, à avoir bénéficié de cette concession. « C’est avec l’aide de Greenpeace Afrique que nous avons notre forêt communautaire. Nous avons des documents légaux et personne autre ne pourrait nous empêcher d’en jouir », s’est félicité Valentin Engobo.
Il a par la même occasion déploré le délaissement dont les peuples autochtones pygmées sont victimes de la part des autorités à tous les niveaux. Pour Valentin Engobo, cette journée devrait être une occasion pour la communauté tant nationale qu’ internationale de réaliser les injustices que subissent les peuples autochtones pygmées sur l’ensemble du territoire national alors que le gouvernement de la RDC s’est engagée à protéger leurs droits ainsi que leur statut social
« Nous sommes victimes de l’exploitation par les autres communautés notamment bantoues. Nous travaillons durement pour elles, pour des revenus dérisoires. Parfois, elles ne nous paient même pas et ce malheureusement sous un silence inquiétant des autorités locales. C’est vraiment une injustice. Et cela doit être réparée », a-t-il déclaré.
Un peuple attaché à la forêt
Les peuples autochtones pygmées vivent dans la forêt. Leur lien avec celle-ci n’est plus à démontrer. Toute leur survie dépend de la forêt où ils trouvent la nourriture, les plantes médicinales, et autres moyens de subsistances. Au-delà de tout, la forêt fait partie de leur identité et reste le lieu de prédilection pour les rituels ancestraux auxquels ils sont intimement liés .
«Nous sommes ce peuple qui a découvert le feu. Aujourd’hui, nous protégeons les forêts grâce aux pratiques que nous avons acquis de nos ancêtres qui ont vécu en harmonie avec ces forêts depuis des siècles, malheureusement nos efforts ne sont pas récompensés, ni reconnus. Notre pharmacopée est d’une grande importance pour l’humanité, mais, elle reste méconnue du public par manque de soutien et d’accompagnement de nos gouvernants, et des bailleurs de fonds », a informé Monsieur Engobo.
Cependant, il est démontré que leurs milieux de vie sont menacés notamment par l’exploitation industrielle du bois d’œuvre, les projets agroalimentaires et les projets d’exploitation minière et des hydrocarbures.
«L’exploitation industrielle du bois a des impacts négatifs sur notre survie. Souvent les exploitants utilisent des engins qui, à cause de leurs bruits, repoussent très loin les gibiers. Ils polluent les eaux, et font disparaitre les poisons. En plus, ils coupent même les arbres à chenilles, et détruisent nos sites sacrés. Tout ceci constitue des menaces pour nous les peuples autochtones pygmées qui n’avons pas de mot à dire face à cette situation d’injustice », s’est-il plaint.
Pour cette année, la journée internationale dédiées à ces populations est célébrée sous le thème Covid-19 et résilience des populations autochtones.
Bien que l’origine exacte de la COVID-19 n’ait pas encore été identifiée, le lien entre les dommages environnementaux, la destruction de l’habitat naturelle de la faune sauvage et les pandémies est connu des principaux organismes de recherche.
Ses effets néfastes sont encore plus palpables dans les campements pygmées déjà enclavés en République démocratique du Congo. «Economiquement, cette pandémie a renforcé notre misère. A cause des restrictions de déplacements, nous ne savons pas vendre nos produits, nous ne savons même pas pratiquer nos activités de pêche et de chasse. Nous survivons difficilement», a rajouté Vincent Engobo.
En grand danger face à la maladie de COVID-19, les peuples autochtones sont des partenaires indispensables dans la lutte contre la pandémie ne serait-ce que par leurs connaissances fines des écosystèmes, leurs relations avec à l’environnement, leurs bonnes pratiques de guérison ou leurs savoirs traditionnels. Indique les nations unies.
« Nous n’avons pas encore des cas de cette maladie dans nos villages. Mais nous estimons que grâce aux connaissances ancestrales, nous pouvons contribuer à trouver de remèdes et lutter efficacement contre cette pandémie », a suggéré Monsieur Engobo, qui reconnaît toutefois l’observance des gestes barrières dans tous les villages pygmées dont il est président de leur association.
Notons par ailleurs que la pandémie de la COVID-19 aggrave la situation précaire dans laquelle vivent ces peuples autochtones déjà enclavées et dont leurs besoins sont souvent mis à l’écart par les dirigeants dans la prise en considération de leurs désidératas.
Alfred NTUMBA