La gestion des ressources en eau du bassin du Congo exige une approche multidisciplinaire pour harmoniser les impératifs économiques et de conservation. Lors du troisième jour du forum du bassin du Congo, Felix Lilakako a exposé une analyse comparative du cadre juridique de la gestion des tourbières de la cuvette centrale, en lien avec le plan de convergence de la COMIFAC. Cette présentation s’est déroulée au cours d’un événement parallèle organisé ce jeudi 12 juin à Kinshasa.
« L’analyse sur le cadre juridique des deux Congo relève qu’en République du Congo et en République Démocratique du Congo la situation est caractérisée par l’absence d’un cadre juridique spécifique sur la gestion des tourbières (absence des politiques nationales, des lois spécifiques, des stratégies nationales) et une insuffisance du cadre institutionnel (niveau centrale, provincial et local) », a informé l’expert.
Selon Monsieur Lilakako, cette absence de cadre juridique empêche une définition précise des tourbières et ne permet pas de résoudre les problèmes de chevauchement des titres et des droits entre les tourbières et d’autres affectations des terres. Bien que la République du Congo ait une faible réglementation à travers sa loi n°74-2022 du 16 août 2022 sur le développement durable, qui considère les tourbières comme des zones humides, cela reste insuffisant.
« Le déficit de législation spécifique sur les tourbières ne permet surtout pas de sécuriser les aires et espaces de vie des peuples autochtones et communautés locales dans les zones à fortes potentialités des tourbières, et de garantir des investissements durables dans ce secteur », a-t-il déploré.
Depuis 2017, les tourbières de la Cuvette Centrale, connues pour leur rôle crucial dans le stockage du carbone, sont au cœur des préoccupations des acteurs de la conservation et du climat. Lilakako a plaidé pour la protection de cet écosystème, essentiel pour les services qu’il fournit aux communautés locales et à l’environnement, en raison des risques liés à une mauvaise gestion.
Malgré l’engagement des deux pays depuis 2016 à mutualiser leurs efforts pour une gestion transfrontalière des tourbières (notamment via l’Initiative Mondiale pour les Tourbières en 2016, l’Accord de coopération Lac Télé-Grands-Lac Tumba en 2017, et la Déclaration de Brazzaville en 2018), ces initiatives ont rencontré des défis majeurs, dont l’épineuse question du cadre juridique.
En conclusion de son intervention, le président du Conseil d’Administration de JUREC a formulé plusieurs recommandations clés notamment, la définition et harmonisation de politiques, législations et stratégies de ces 2 pays sur les questions des tourbières ; la coordination et la collaboration transnationale pour gérer durablement ces ressources dans la Cuvette centrale;
Les deux pays doivent équitablement renforcer le cadre institutionnel de gestion des tourbières, cartographier et sécuriser les espaces de vie des peuples autochtones et communautés locales dans les zones des tourbières. Ils doivent également clarifier les règles de gouvernance dans les zones des tourbières, tout en réglant les questions de chevauchement des titres et des droits dans les zones à fortes potentialités des tourbes ( liens entre les tourbières et l’Aménagement du Territoire, Foresterie communautaire, foncier, mines, hydrocarbures, etc.); et enfin, promouvoir des modes spécifiques de gestion des forêts à forte potentialité des tourbières, comme les concessions de conservation, les concessions forestières des communautés locales, les aires protégées, etc.
Alfredo Prince NTUMBA