Le Comité local de Développement (CLD) de Manterne, une cité située dans la province du Kongo central, a tenu une réunion pour échanger les expériences sur les meilleures pratiques agroforestières. Au cours de cette réunion, tenue le vendredi 21 mars, les uns et les autres ont partagé les leçons tirées dans la pratique des métiers verts de sédentarisation, l’agroforesterie, la régénération naturelle et les Paiements des Services Environnementaux (PSE).
Il s’est avéré que la culture sur brûlis et la déforestation sont des problèmes qui se mettent au travers du développement de cette contrée mais l’habileté du Chef de cité a permis à ce que l’ordre soit rétabli assez rapidement afin de lutter contre la faim qui pointait déjà à l’horizon.
« J’ai interdit la culture sur brûlis et je fais le suivi. Alors, je constate qu’il y a maintenant un bon rendement des cultures. Pour ça, je félicite les fermiers. » A indiqué Nilenge Ngidi, Chef de la Cité de Manterne.
En brave personnage qui ne voit pas des difficultés, mais plutôt les opportunités qu’offre la terre, Nilenge Ngidi rassemble autour de lui, tous les savoir-faire et activités ayant pour objet la culture, en vue d’en faire des travaux qui permettent de cultiver plusieurs sortes de nourriture utile à l’être humain. Cela, en revalorisant la terre grâce aux cultures adaptées. Le soja par exemple.
« Je suis expérimenté dans la culture du soja. Quand on fait plus de cultures vivrières, il faut tout de suite après mettre le soja car il a la capacité de capturer l’azote de l’air. Si on respecte cela, on peut facilement gagner. J’ai essayé et j’ai constaté que ça me faisait gagner. Le soja fertilise automatiquement le sol. Et, dans la même culture, j’ai introduit les arbres fruitiers tels que les safoutiers et les avocatiers. Je bénéficie de ces arbres pendant plusieurs années. Car, cultiver plusieurs fois le même terrain l’épuise et il ne produit plus le même résultat. En plus, le rendement du soja est plus rentable car il coûte plus cher. » A expliqué le fermier Phillipard Nzolana.
L’agriculture demande une rotation du terrain pour de meilleurs résultats. Les fermiers de la Cité de Manterne ont réussi à développer des techniques pour de meilleurs résultats dans leur production. Ces techniques devraient être vulgarisées car beaucoup ne les connaissent pas et se plaignent d’avoir des terres non fertiles. Par conséquent, la malnutrition s’invite comme cela a été le cas l’année passée à Manterne.
Une inquiétude en moins n’en supprime pas d’autres
Les fermiers ont certes réglé la question de l’agriculture mais celle de la déforestation demeure. C’est une question qui inquiète les fermiers au plus haut point. « Que faites-vous pour lutter contre la déforestation ? car, il y a encore des communautés qui s’adonnent à la destruction des forêts. Les agents de l’environnement sont là mais nous avons comme l’impression qu’ils ne font rien du tout. Par conséquent, la coupe de bois se porte très bien ici. Que deviendrons-nous sans notre forêt ? » S’est inquiétée Viviane Khonde, présidente de la coopérative
Le Chef de Cité a donc émis le vœu de voir ses administrés s’impliquer davantage dans toutes les questions traitées au cours de cette réunion. « La population vit dans une autosuffisance alimentaire ici. Les gens viennent même de Boma pour acheter notre nourriture. Nous n’avons pas de problème. Tout va bien. Il y a eu carence de pluies et cela avait tendance à nous affecter un peu mais maintenant tout va bien. Je félicite la population en tout cas. » S’est réjoui Nlilenge Ngidi.
Le changement climatique étant une grande menace qui n’épargne personne, il est temps d’agir ! « J’ai mis en garde tout le monde sur le transport des planches. J’ai même placé des gardes pour surveiller cela. Dernièrement nous étions en réunion avec le chef de secteur de la cellule de l’environnement de Boma. Nous nous sommes décidés de ne plus accepter de coupes de bois et nous restons vigilants pour que cela ne se reproduise plus. Il y avait des coupes même pendant la nuit. Mais, depuis que les gardes collaborent avec la population, il y a un changement. » A-t-il ajouté.
Pour y parvenir, l’idée est de créer des synergies entre l’Etat et les Communautés à travers les CLD car, souvent le fouet crée la résistance mais, le dialogue quant à lui produit des fruits. D’où, une sensibilisation est nécessaire pour que les gens comprennent qu’il s’agit d’une situation qui concerne tous.
Cependant, la corruption qui gangrène le pays peut faire en sorte que les mêmes services commis à la surveillance laissent passer. Cela en appelle à des mesures d’encadrement fortes pour lutter contre ce fléau. « Les collaborateurs avaient reçu des instructions à ce sujet. Ils ont été mis en garde sur le fait que si l’on constate des coupes malgré leur présence, ils seront sanctionnés. Et les inspecteurs provinciaux assurent le suivi de ces mesures. » A martelé le Chef de Cité.
Des expériences en plus pour quiconque voudrait se lancer dans l’agroforesterie

Une autre question abordée au cours de cette rencontre est la régénération des forêts à travers des cultures pérennes. Cela permet de protéger les savanes en y interdisant toutes sortes d’activités. Tous les chasseurs du CLD ont été identifiés afin de les sensibiliser sur le feu qu’ils mettent dans les savanes. En leur expliquant l’importance de protéger la savane car cela détruisait plusieurs espèces de la faune et de la flore, notamment les plantes médicinales.
« J’ai une ferme où nous pratiquons l’agroforesterie. Nous y plantons des arbres à croissance rapide comme des acacias mais aussi la culture vivrière. Car, en entretenant mon champ, j’entretiens aussi automatiquement les arbres. Avant je ne faisais que le reboisement. Mais après, je me suis dit qu’il faut diversifier les activités. C’est ainsi que j’ai pu intégrer les plantes des fruits et j’ai des rémunérations à chaque fois que ma culture produit des fruits. » le fermier Joachim Mbadu.
Et, parmi ces arbres figurent les plantes médicinales, importantes pour la pharmacopée. « Je pense que si tout le monde prenait conscience que les plantes médicinales sont d’une grande utilité, ça peut nous être bénéfique à tous. Nous les utilisons beaucoup ici chez nous en tout cas. J’ai eu à traiter beaucoup de gens avec ces plantes qui sont dans nos forêts. Et, je ne garde pas mes connaissances. Je les transmet toujours aux personnes que je traite en leur recommandant d’aller, à leur tour, l’apprendre aux autres qui en ont besoin.» A ajouté Joachim Mbadu.
La démographie fait partie des causes de la déforestation et la mauvaise gestion des terres. Il y a 5 ans par exemple, la cité de Manterne n’avait que 8 mille habitants mais aujourd’hui, elle est passée à 22 mille habitants. Chose qui pousse à croire qu’envisager un avenir meilleur pour la jeunesse avec des forêts intactes et des terres à cultiver deviendrait impossible.
Mais, ces fermiers ne lâchent rien. Ils croient que travailler dur en associant les jeunes est le seul moyen pour trouver des alternatives. « Vider les forêts fait disparaître le miel. Or, manquer le miel est une catastrophe. Alors, si nous n’encadrons pas les jeunes d’ici 2030, nous aurons des graves problèmes ici dans le Kongo central. La forêt de Mayombe n’est plus alors les gens tendent à entrer dans notre belle réserve de la Luki pour l’exploiter aussi. C’est ainsi que nous avions réfléchi qu’il fallait encadrer la jeunesse afin de les promouvoir en leur apprenant quelques métiers et les envoyer dans les écoles pour leur apprendre des métiers verts. Nous ne nous laissons pas faire ! Nous sommes dans plusieurs activités génératrices de revenus telles que : l’agriculture, la pisciculture et l’apiculture. Notre slogan est : nous coupons un, nous plantons 5 ! » A martelé Viviane Khonde.
Et, grâce à ces efforts de protection des forêts, le paiement des services environnementaux intervient. Tout le monde gagne grâce à ce qu’il fournit comme service. Cela produit du carbone, le carbone protège la nature et grâce à lui, il y a des revenus supplémentaires car il devra être vendu. D’où, un travail important du côté de la société civile pour expliquer aux communautés et les accompagner afin que le PSE soit réellement un produit des efforts s’avère nécessaire.
Sarah MANGAZA