Depuis 2019, le Parc national de la Garamba (PNG) accompagne les communautés riveraines dans le développement de pratiques apicoles durables, alliant conservation de la biodiversité et diversification des moyens de subsistance. Grâce au soutien de partenaires financiers tels que l’Union Européenne, ce programme vise à moderniser l’apiculture traditionnelle en introduisant des techniques respectueuses de l’environnement, favorisant ainsi la pollinisation, la préservation des plantes mellifères et la gestion durable des ressources naturelles.
Des ruchers pédagogiques inspirés de l’approche Champs-Écoles Paysans

L’apiculture est une activité profondément ancrée dans la région, mais les méthodes de collecte traditionnelles avaient un impact néfaste sur les colonies d’abeilles et l’écosystème forestier environnant. L’écorce de certains arbres était par exemple prélevée pour fabriquer des ruches, les fragilisant jusqu’à leur dépérissement. Par ailleurs, la récolte du miel se faisait en incendiant les colonies d’abeilles, compromettant leur survie. Ces pratiques présentaient également des risques directs pour les apiculteurs, contraints de grimper parfois haut dans la canopée pour récupérer les ruches. Pour atténuer l’impact environnemental lié à ces pratiques, le PNG a mis en place des ruchers pédagogiques, s’inspirant de l’approche des Champs-Écoles Paysans (CEP), où les apiculteurs apprennent par la pratique avec l’appui de techniciens agronomes. Ces espaces de formation permettent aux apiculteurs bénéficiaires de mieux comprendre et mettre en pratique les techniques apicoles modernes, de comparer les performances des ruches traditionnelles et modernes, et de maîtriser la valorisation d’autres produits de la ruche, tels que la cire et la propolis.
À ce jour, 137 ruches modernes ont été installées dans différents ruchers pédagogiques, avec un taux de colonisation moyen de 52 %, contre 28 à 35 % pour les ruches traditionnelles précise Madame Marie LIRIZOYO, responsable technique de la filière apicole pour le Parc National de la Garamba. Parmi les modèles testés, on retrouve les ruches kényanes (7 L de miel/récolte, 2 récoltes/an), les grandes ruches en planche (15 L de miel/récolte) et les ruches traditionnelles (5 L de miel/récolte). Selon elle, le principal défi réside dans l’adoption des techniques modernes d’exploitation, notamment l’entretien des ruches et le suivi de l’état de santé des colonies, par des bénéficiaires autrefois habitués à une récolte en milieu naturel, sans véritable gestion. Le coût de production des ruches modernes reste un défi pour certains apiculteurs. Pour y répondre, le programme vise à promouvoir la fabrication et l’utilisation de ruches en argile, une alternative plus accessible, déjà développée et adoptée dans certaines zones.
Un réseau d’apiculteurs engagés
Jusqu’à aujourd’hui, 175 apiculteurs, dont 17 % de femmes, étaient regroupés dans 10 ruchers écoles répartis dans 14 villages autour du parc. En janvier 2025, 44 d’entre eux ont été certifiés « apiculteurs relais », avec pour mission de former et d’accompagner d’autres volontaires dans l’adoption et la promotion des pratiques durables apprises. Madame Marceline Nyele, apicultrice à Ramadala, témoigne,

« Avant, nous utilisions des techniques traditionnelles peu efficaces. Grâce aux formations reçues, nous avons appris à utiliser des ruches modernes, à protéger nos colonies et à améliorer la qualité du miel. Désormais, nous récoltons sans escalader les arbres et nous protégeons nos ruches des feux de brousse. »

À Kiliwa, Madame Modestine Nalakumbo ajoute, « Grâce aux nouvelles techniques, nous avons augmenté notre production et appris à valoriser d’autres produits comme la cire et la propolis. Cette activité nous permet d’avoir un revenu supplémentaire et je recommande vivement aux jeunes de s’y investir. »
Un levier pour la conservation et l’économie locale
Au-delà de la production de miel, l’apiculture joue un rôle écologique clé, en contribuant à améliorer la productivité des cultures grâce à une pollinisation accrue et en encourageant les agriculteurs à conserver les arbres et plantes mellifères autour de leurs champs. Dans certaines zones, les ruches sont également utilisées comme barrières naturelles contre la faune sauvage, protégeant ainsi les cultures tout en générant un revenu supplémentaire.

Le miel brut récolté est conditionné dans trois mielleries (Badri, Missa et Kiliwa) construites par le PNG pour être vendu et approvisionner les marchés locaux avant tout. À terme, le programme vise à développer un label « Miel de la Garamba », ouvrant l’accès aux marchés urbains nationaux et même internationaux tout en renforçant l’entrepreneuriat local grâce à une apiculture durable et rentable.
À travers cette initiative et l’ensemble de son programme agroécologique, le Parc National de la Garamba prouve que conservation et développement économique peuvent aller de pair, en plaçant les communautés locales au cœur de la gestion durable des ressources naturelles.
Depuis le Parc National de la Garamba
Richard Mumbere Kalayi, responsable de la communication