Forêt : Une étude dresse le bilan des impacts économiques de la foresterie communautaire en Afrique centrale

L’étude intitulée « économie politique de la foresterie communautaire en Afrique centrale », lève le pan sur le processus de la foresterie communautaire en République démocratique du Congo, au Gabon et au Cameroun. Avec ses résultats, l’étude initié en 2023, pose une base pour d’éventuelles évaluations futures, notamment sur un échantillon plus vaste de CFCL (Concession de forêt des communautés locales) et des discussions avec un plus grand nombre d’organisations d’appuis, de représentants des administrations et des principaux bailleurs du processus. L’atelier de restitution de résultats a été organisé ce jeudi 13 février, en ligne et en présentiel.

« Le constat sur le terrain a démontré que la foresterie communautaire n’est pas assez facile à mettre en œuvre. Cela à cause notamment du manque de moyens financiers et de l’expertise. D’après mon observation, la base de tout ça c’est la complexité du cadre légal qui nécessite des allégements », a indiqué Bijoux Mvuge Yekola, stagiaire en master ayant travaillé dans la collecte de données en RDC.

Cette étude vient apporter des propositions d’amélioration du processus de la foresterie communautaire, ce modèle de gestion des forêts qui, de plus en plus, connaît de critique au regard de résultats mitigés dans la lutte contre la pauvreté. Pour les acteurs de la société civile, ces critiques appellent à faire un diagnostic profond de ce processus afin de dégager les conditions des modalités adéquates de sa mise en œuvre pour lutter efficacement contre la pauvreté rurale.

Si pour le Cameroun le processus présente des résultats économiquement viables au profit des communautés, le Gabon et la RDC sont sur la bonne voie dans la mise en œuvre de ce processus, malgré des défis.

« La plus grande conclusion que je peux tirer est que le premier objectif de la SNFC (stratégie nationale sur la foresterie communautaire), atteint durant ces 5 dernières années, est la sécurisation des terres. Tandis que l’amélioration des conditions de vie des communautés est une chose sur laquelle il faut encore travailler. Jusque-là, ce n’est pas très efficace sur le terrain », a précisé Madame Mvuge Yekola.

A en croire Bernard Adebu, chargé de programme à l’APEM, il est encore très tôt de passer à l’évaluation de ce processus en RDC, du fait que le pays est encore à la phase expérimentale.

« On était dans la phase expérimentale qui voulait dans un premier temps évaluer le fonctionnement des outils législatifs et la manière d’attribution sur terrain. Aujourd’hui, on est en mesure de faire une critique relative à la procédure. On a aussi cette possibilité de dire quelles sont les forces et les faibles par rapport à la loi », a-t-il informé.

Cette étude conduite dans le cadre du programme RESSAC (Recherche en écologie et science sociales en appui à la gestion des forêts en Afrique centrale), a été menée par le CIFOR-IRAF et SAILD (Service d’appuis aux initiatives locales de développement) et APEM (Action pour la promotion et protection des espèces et peuples menacées). Elle avait pour but de dresser le bilan des impacts économiques de 20 ans d’existence de la foresterie communautaire dans la sous-région.

Les principaux résultats en RDC

En République démocratique du Congo, l’étude a été menée dans trois provinces (Kwilu, Equateur et Tshopo), auprès de 11 CFCL et 9 organisations accompagnatrices.

Les principaux résultats obtenus  montrent que  56% des CFCLs sélectionnées ont été créées à l’initiative des organisations d’appui devenues organisations accompagnatrices par la suite, contre 44% initiées par des personnes résidents dans la localité, et 22% de ces initiatives ont été l’œuvre des organisations paysannes. 70% du montant alloué aux principales activités de deux projets d’appuis aux forêts communautaires ont été dépensés hors des localités bénéficiaires de la CFCL, et seulement 30% ont été dépensés sur place ; de plus, 83% des activités évoquées par les deux organisations interrogées portent sur la mise en place des CFCLs, et seulement 17% portent sur les activités économiques de démonstration.

Dans 33% des CFCL étudiées, le taux de perte de couvert forestier est en hausse, avec des taux atteignant 1,7% par rapport à la superficie totale de la CFCL. En revanche, jusqu’à 66% des CFCLs étudiées enregistrent un taux de perte de couvert forestier en baisse depuis l’attribution formelle de l’espace. Seuls 11% des CFCLs étudiées ne disposent pas à la fois de leur arrêté d’attribution et de leur PSG dans le village.

Une fois sur quatre seulement, les impacts des actions de foresterie communautaire sont perçus sur les infrastructures collectives. Les gains financiers individuels restent les principaux bénéfices des actions de foresterie communautaire, perçus par les populations interrogées. Les membres des entités de gestion des CFCLs perçoivent le plus des impacts des actions de foresterie communautaire sur les moyens de subsistance des populations locales. La qualité des habitations et des infrastructures collectives ne s’est pas améliorée dans les villages avec les CFCL, comparativement aux villages sans CFCL. Dans 78% de ces CFCLS, l’effectif des femmes n’atteint pas 30% de l’effectif total de l’entité de gestion. L’analyse des postes occupés par elles montre qu’une grande majorité (95%) occupe des postes de titulaires (40% de ces femmes occupent un poste de trésorière ou caissière, ou de présidente de l’entité de gestion, depuis au moins deux ans).

Par ailleurs l’étude démontre que les principaux obstacles à l’efficacité de la foresterie communautaire cités par les organisations d’appui interrogées demeurent la mauvaise gouvernance et l’insuffisance des capacités techniques et financières de l’administration en charge des forêts et surtout des populations bénéficiaires. Le renforcement des capacités techniques et financières de l’administration en charge des forêts et celles des populations locales, de même que la mise à disposition des communautés d’un accompagnement durable sont les recommandations essentielles formulées par les organisations d’appui interrogées.

La RDC, c’est environ 4 487 989 ha de forêts communautaires. On dénombre à ce jour plus de 239 concessions communautaires (soit 200 avec des arrêtés d’attribuées et plus de 39 en cours de procédure d’attribution). Cependant, après 5 années de mise en œuvre de la phase expérimentale aucune évaluation n’a encore été faite.

Il sied de noter que cette étude a été rendue possible grâce au financement à travers le Programme RESSAC sur les fonds de l’Union européenne, pour engager une analyse rétrospective de la foresterie communautaire en Afrique centrale, et plus précisément au Cameroun, au Gabon et en RDC. La foresterie communautaire poursuit deux nobles objectifs à savoir, la gestion durable des forêts par les communautés afin de maintenir le couvert forestier ; et offrir aux communautés des options de développement économique.

Alfredo Prince NTUMBA

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