Depuis 2020, le Parc National de la Garamba (PNG), joyau écologique de la République démocratique du Congo, soutient la filière piscicole pour renforcer l’autosuffisance alimentaire et améliorer les revenus des communautés vivant à proximité du parc. Ce projet, soutenu par l’Union européenne et l’USAID, répond aux défis de sécurité alimentaire et économiques auxquels ces populations sont confrontées.
Partie intégrante du programme de soutien agricole promu par le PNG, ce projet a déjà permis de former 280 bénéficiaires issus de plusieurs villages riverains du parc, notamment dans les domaines de chasse d’Azande, Gangala na Bodio et Mondo-Missa. Ces communautés, qui restent largement dépendantes des ressources naturelles, bénéficient désormais d’une alternative durable à la chasse et à la pêche illégales, des pratiques qui menacent l’intégrité des écosystèmes et de la faune exceptionnelle de la région.
Les étangs piscicoles (collectifs ou individuels), installés aujourd’hui sur plus de 20 000 m², ont un impact significatif sur la sécurité alimentaire et les revenus des ménages. De 2021 à 2023, plus de 3,8 tonnes de poissons ont pu ainsi être recoltés, dont une partie vendue a permis de générer un revenu additionel estimé à 22 500 $ pour tous les bénéficiaires.
Arnold Amutro Yong’ole, technicien en élevage du PNG, précise que l’espèce choisie pour ce programme est le tilapia du Nil (Oreochromis niloticus), un poisson réputé pour sa croissance rapide, sa résistance aux maladies et ses faibles besoins alimentaires. En moyenne, après un cycle de 6 à 8 mois, chaque poisson peut atteindre 500 grammes. Un paysan ayant une gestion optimale de son exploitation piscicole peut réaliser jusqu’à deux récoltes par an. Grâce à ce programme, les pisciculteurs ont pu accroître leurs rendements tout en diversifiant leurs sources de protéines. Au lancement, les bénéficiaires ont reçu des alevins gratuitement, à la condition de contribuer plus tard à la production d’alevins pour d’autres pisciculteurs. Les équipes du PNG assurent un accompagnement technique régulier, soutenant les participants dans l’aménagement et la gestion de leurs étangs.
Les bénéficiaires du programme témoignent des changements positifs que cette activité a apportés dans leurs vies.
Jean-Claude Tabani Kumbaluna, cultivateur à Kibinzi, dans le domaine de chasse de Gangala na Bodio, explique : « Je suis cultivateur depuis de nombreuses années. C’est lorsque le Parc national de la Garamba (PNG) est venu sensibiliser notre communauté à la pisciculture que j’ai décidé de m’y intéresser. L’objectif était d’améliorer l’alimentation de mon foyer en diversifiant nos sources de protéines. Grâce à la formation pratique dispensée par le PNG, j’ai appris des techniques piscicoles efficaces et j’ai pu gérer mon propre étang. Récemment, lors d’une inspection de mon étang avec les formateurs du PNG, nous avons constaté que les alevins de tilapia fournis par le PNG se sont bien multipliés et ont grandi. Cependant, des prédateurs du tilapia avaient envahi l’étang, Il a également été noté que l’alimentation des poissons n’était pas optimale. Nous avons donc pris des mesures pour débarrasser l’étang des intrus comme les crapauds et les clarias, afin d’améliorer la gestion de la production. Les enseignements reçus du PNG sont précieux et directement bénéfiques pour mon activité et ma famille. J’ai pu corriger mes erreurs et améliorer mes pratiques. J’encourage donc les jeunes de ma communauté à se lancer dans ce type d’activités, car elles sont bénéfiques à la fois pour nous et pour l’avenir de notre région. »
Xavier Takoma Kinindema, un autre bénéficiaire en pisciculture, habitant le village de Nyari près du domaine de chasse de Mondo Missa, a également partagé son expérience : « Le Parc National de la Garamba (PNG) est venu nous sensibiliser à la pisciculture. Et comme nous consommons souvent du poisson dans nos foyers pour sa richesse en protéines, nous avons rapidement adhéré à l’initiative. Grâce aux formateurs du PNG, nous avons appris à choisir le bon terrain pour l’élevage des poissons, en privilégiant des zones humides où l’eau ne risque pas de tarir, même en période de sécheresse. Ils nous ont également enseigné comment gérer l’approvisionnement en eau de nos étangs et comment évacuer l’eau sans nuire aux alevins ni aux poissons adultes. Nous avons aussi appris à nourrir les poissons avec un mélange de soja, de farines provenant des fretins et du son de riz. En plus des conseils pratiques, le PNG nous a fourni des alevins, du soja et des matériels nécessaires, comme les tuyaux. Pour ma part, j’ai même cultivé un champ de soja de 1 200 m2 afin d’assurer un approvisionnement constant en nourriture pour mes poissons, sans avoir à l’acheter au marché. Grâce au PNG, je maîtrise désormais l’élevage des poissons et j’en vois déjà les bénéfices. »
Le développement de la filière piscicole par le PNG s’inscrit dans une vision globale de résilience face aux changements climatiques et aux pressions humaines croissantes autour du Complexe d’aires protégées de la Garamba. En proposant des alternatives viables aux pratiques agricoles, de chasse et de pêche destructrices, le PNG soutient les communautés locales dans la diversification de leurs sources de protéines animales et la sécurisation de leurs revenus, tout en contribuant à la préservation du patrimoine de la Garamba.
D’ici 2028, le PNG ambitionne d’étendre la filière piscicole sur 40 000 m² d’étangs pour produire environ 20 tonnes de poissons par an, tout en intégrant la pisciculture à des cultures maraîchères et à l’élevage de petits animaux pour améliorer les rendements. Ce modèle durable, fondé sur l’engagement communautaire et un accompagnement technique, pourrait inspirer d’autres régions confrontées aux mêmes défis.
Le Parc National de la Garamba et ses partenaires (CDJP et OPED) montrent ainsi qu’un développement harmonieux et respectueux de l’environnement est non seulement possible, mais essentiel pour assurer un avenir meilleur aux générations futures.
Richard MUMBERE KALAYI