Forêt : Un projet REDD fait le bonheur des habitants dans les bassins de Mbuji-Mayi et Kananga

Depuis son enfance, Dorcas Tshabu rêvait de reconstituer la forêt de son terroir. Après avoir longtemps attendu, son rêve est devenu une réalité. Elle tient une ferme à une vingtaine de kilomètres de la ville de Mbuji-Mayi (Centre de la république démocratique). « C’était la savane partout ici. Mais, je l’ai transformé en forêt. Ça, c’est l’œuvre de mes mains. Toute personne qui passe par ici l’apprécie. Cela me fait plaisir ! », raconte celle qui est la présidente de l’ONG Action pour la promotion et le développement intégral.

Cette forêt verdoyante a été plantée sur 50 hectares depuis 2021. Dorcas y a employé plus d’une centaine d’ouvriers. « On a donné du travail à ceux qui faisait le sarclage, le semis, la pépinière et d’autres métiers agricoles », nous renseigne-t-elle avec sourire.

Depuis, le succès de son œuvre ne cesse de la précéder. Plusieurs personnalités de la ville, les ONG et autres curieux, viennent souvent visiter son champ d’acacia devenu l’emblème de la verdure de cette contrée. Ses visiteurs viennent apprendre le secret de ce boisement. Ils y viennent dans l’espoir de découvrir quelques espèces animales qui ont signé leur retour dans cette niche.

Dorcas Tshabu, présidente de l’ONG APRODI, 29 juillet 2024.

Les bons souvenirs, Emmanuel Nkita Bungi en a gardé. Chef de chantier à la ferme AGRIEL (Kasaï-central), ce jeune de 37 ans a vu sa vie changer. « Je me suis marié grâce à ce projet. Aujourd’hui j’ai une femme et deux enfants. Pour moi, le projet a été très bénéfique », a-t-il affirmé.

Emmanuel se félicite aussi de nouvelles connaissances acquises dans le domaine de l’agriculture durable, l’agroforesterie, et l’apiculture. Dans le sous-bois de la ferme, ses ruches sont colonisées par des abeilles.  L’année passée, il a récolté quelques litres de miel vendus à ses clients dans la ville de Kananga, chef-lieu de la province du Kasaï-central.

Dorcas, Vital et Emmanuel sont trois des bénéficiaires du Projet intégré REDD+ dans les bassins de Mbuji-Mayi, Kananga et Kissangai (PIREDD-MBKIS). Financé à hauteur de 21,5 millions d’euros par la Banque africaine de développement, à travers le Programme d’investissement pour les forêts (PIF), le projet a constitué une réponse aux principaux facteurs de déforestation et de dégradation des forêts dans ces trois provinces de la RDC.

« Le bilan est largement positif. Tous nos bénéficiaires ont fait leur travail au-delà de 70%. Avec tous les résultats mis ensemble, nous atteignons même les 87% pour l’afforestation. Nous avons atteint 83% au niveau de l’agroforesterie », a déclaré Évariste Kafumba Bukasa, coordonnateur du projet dans le Kasaï-Oriental.

Limiter les menaces

Le projet a également permis la restructuration des villages en CLD (Comité local de gestion). La stratégie vise notamment à responsabiliser les communautés locales et les conscientiser sur l’urgence d’agir pour arrêter la déforestation. A Kazumba, non loin de la ville de Kananga, Alidor Mubiayi Pasua est un des leurs.

Président de l’association paysanne de Tshau Katambayi, il vivait dans une petite maison au milieu d’une savane totalement détruite par des activités de production de briques cuites. « Ces fabricants de briques cuites ont coupé tous les arbres. On n’avait plus de forêts ici. Quand nous avons appris qu’il y avait un projet de la Banque africaine de développement pour soutenir la reforestation, nous n’avons pas hésité. Nous avons reçu de l’argent, des graines d’acacia, et du matériel notamment les machettes et houes, pour installer sur plus de 50 hectares, cette forêt d’acacias que vous voyez », a-t-il présenté.

Une ruche installée dans la plantation d’AGRIEL02, août 2024, Projet MBKIS-Kasaï̈ Central.

Son association est composé de 20 paysans. Grâce aux paiements pour les services environnementaux (PSE) reçus dans le cadre de ce projet, le CLD a réussi à impliquer tout le village dans les activités. Il en garde de bons souvenirs notamment, une porcherie, un poulailler et surtout la forêt qui leur produit chaque année des chenilles.  

« Ce projet a été vrai succès. La population en tire beaucoup d’avantages. Elle y trouve du bois de chauffe, ou pour la construction de maisons, etc. les gens ne sont plus obligés d’effectuer des longues distances pour aller cultiver. Ils ont la forêt juste derrière leurs maisons. C’est une richesse pour tous », s’est réjoui Simon Dikebele Kebe, coordonnateur du projet dans le Kasaï-Central.

Des forêts naturelles restaurées

L’autre volet du projet consistait à enrichir et restaurer les forêts naturelles de ces bassins. La forêt primaire de Buena Muntu (Kasaï-Oriental) qui était dans un état de dégradation très avancé présente désormais un meilleur visage. Grâce au PIREDD-MBKIS, cet écosystème a été enrichi avec des essences forestières de valeur.

« Sur 800 hectares, nous avons réalisé près de 753 hectares enrichis. Ce qui représente presque 90%. Donc le bilan est largement positif dans les deux provinces (Kasaï-Oriental et Lomami) », a précisé Evariste Kafumba Bukasa.

Pour maîtriser la pression de la population sur les galeries forestières qui survivent encore dans la province, 9 000 foyers améliorés ont été distribués dans les trois provinces du projet dont 3 000 auprès des ménages de Mbuji-Mayi, considéré comme le bassin d’approvisionnement.

Le PIREDD-MBAKIS a été mis en œuvre avec le financement de la Banque africaine de développement. Il s’agit d’un projet du Programme d’investissement pour la forêt (PIF), qui est l’une de trois fenêtres de financement du Fonds stratégique pour le climat du Fonds d’investissement climatique.

« Le projet a eu beaucoup d’impacts. Pour le bassin de Kananga et celui de Mbuji-Mayi, on a réalisé le boisement d’au moins 3 000 hectares grâce au boisement en plein, soit avec l’agroforesterie. On a pu développer l’apiculture pour les communautés. Avec l’acacia, il y a eu une forte production des chenilles comme jamais avant. Ceux qui ont participé au projet, ont eu des revenus », a conclu Clément Vangu, coordonnateur de l’Unité de coordination du PIF-RDC.

Le projet en chiffres

  • 10 886 ha ont été reboisés dont 2 993 ha, enrichissement, 4800 ha en afforestation, et 3 073 ha en agroforesterie
  • 154 344 tonnes de carbone séquestrés annuellement
  • 21 662 personnes dont 12 662 femmes ont eu accès à des emplois temporaires et fixes
  • 9 000 foyers améliorés vulgarisés pour contribuer à la réduction de la consommation de bois-énergie des ménages
  • 3 840 000 arbres plantés
  • 50 598 personnes ont été sensibilisées et/ou formées et consultées, dont 19 809 femmes, sur la cartographie participative, la gestion des plantations, la gestion des pépinières, etc.
  • 21 700 ménages (soit 173 380 personnes, y compris 10 419 femmes) bénéficient des retombées économiques grâce à la valorisation des plantations mises en place dans les différentes zones du projet

Alfredo Prince NTUMBA

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