En date du 21 août 2024, l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN), annonçait la saisie à Goma (Nord-Kivu), de 15 primates en provenance du Sankuru. Pour cet établissement spécialisé de l’Etat, « cela constitue une infraction au regard de l’article 71, alinéa 2 de la loi 14/003 du 11 février 2014, relative à la conservation de la nature ». Au cours de cette opération musclée menée conjointement par l’ICCN et la PNC (police nationale congolaise), l’équipe qui accompagnait ces primates a été arrêtée et placée en détention préventive. Ce transfert était-ce réellement illégal ? Nous avons voulu percer le mythe pour mieux comprendre le fait.
Tenez, en date du 19 août 2024, la coordination provinciale de l’Environnement saisit par écrit, le directeur général de l’ICCN pour lui informer de la saisie des animaux sauvages vivants, notamment les singes, les perroquets, les bébés bonobos, mais des trophées, des écailles de pangolins, etc.
Par la même occasion, le coordonnateur provincial informe le DG de sa volonté de transférer ces primates vivants vers le sanctuaire le JACK à Lubumbashi. « Vu le nombre des animaux saisis, l’absence de l’ICCN dans la province du Sankuru, l’impossibilité financière et technique de mes services pour assurer la prise en charge de ces animaux, nous avons sollicité de transférer ces animaux dont la liste en annexe dans un sanctuaire géré par l’ICCN (JACK), afin de faciliter la réhabilitation et la réintroduction dans leur milieu naturel », peut-on lire dans la correspondance signée par Nteko Lombole Séraphin, coordonnateur provincial de l’Environnement.
Ainsi, une autorisation de transfert a été établie par la même autorité provinciale, afin de faciliter le mouvement de ces animaux. Bien avant cela, des procès-verbaux de constitution de gardiennage d’objets saisis avaient été élaborés. Ces PV donnaient les droits de gardiennage au sieur Héritier Mpo, résident à Lodja. C’est bien ce dernier et son organisation ACOPOL qui gardera ces primates et les accompagnera vers le sanctuaire sus évoqué.
Défaut de communication ?
Malgré tous ces documents, la petite cargaison a été interceptée à l’aéroport de Goma par les services de l’ICCN, traitant cela de trafic illégal d’animaux. Contacté, un cadre à l’ICCN reconnaît que son institution n’a jamais été au courant de la saisie de ces primates à Lodja, ni de la démarche de leur transfert.
« L’ICCN n’a jamais été saisi », insiste notre source. « Ils ne nous ont jamais saisis pour nous dire quand ils ont arrêté les trafiquants. Où sont les photos, et les procès-verbaux de saisie de ces 15 primates ? ».
A l’en croire, la coordination provinciale et l’ONG ACOPOL se sont arrangées pour organiser ce transfert sans l’aval de son institution.
« Ils ont saisi JACK, et à son tour JACK n’en a pas informé l’ICCN. C’est plutôt un des directeurs de l’ICCN qui appelle JACK pour vérification, et celle-ci confirmera le fait. On a demandé à JACK de faire le rapport de ces saisies, et la demande officielle du transfert de ces primates. Chose qui n’a jamais été faite. Par contre JACK a fait le transfert de ces primates de Lodja vers Lubumbashi via Goma. C’est ça qui a fait que l’ICCN saisisse ces animaux à Goma. Une commission d’enquête a été mise en place pour faire la lumière », renchéri notre source.
A première vue, il y’a de quoi se poser la question sur la précipitation avec laquelle ce transfert a été réalisé. Car, la direction générale a été saisie le 18 août 2024, et 2 jours après soit le 20 août, le transfert a été effectué sans attendre la réponse de l’autorité. Cela était-ce fait à dessein ? Rien n’est si clair à ce stade.
Si du côté de l’ICCN, il est clair que le transfert a été illégal et suspect, du côté de l’ONG ACOPOL, l’on affirme que tout a été fait selon les règles de l’art. Le DG de l’ICCN a été induit en erreur par ses services qui n’ont pas fait correctement leur travail.
« Nous avons présenté tous les documents. Ils se sont rendus compte que c’était une mauvaise communication apportée au cabinet du DG. Voilà qu’aujourd’hui, ils ne parlent plus de la saisie. On nous a traités comme des trafiquants, mais on nous a remis la cargaison pour la ramener à Lubumbashi », a indiqué Héritier Mpo.
D’aucun s’interrogent alors sur la précipitation avec laquelle l’ICCN a balancé un communiqué pour annoncer cette saisie qui n’en était pas une. D’autant plus qu’en date du 23 août, dans un ordre de mission référencé : 286/DP/RH/VF/2024, Virunga Foundation autorise Monsieur Mpo Héritier, mis en cause dans ce dossier, à accompagner ces primates vers leur destination finale à Lubumbashi.
L’ICCN va-t-il réparer ?
Cette situation frustrante serait loin d’être un cas isolé dans l’administration de l’ICCN indique une autre source. La chaîne de commandement semble ne pas fonctionner correctement. Il est temps que les autorités de cet établissement réorganisent mieux leurs services et renforcent les capacités des animateurs pour espérer être utile à la République.
Pour l’ONG ACOPOL, l’ICCN ferait mieux de prendre un autre communiqué pour corriger cette erreur qui a entaché la crédibilité de ses animateurs. « Nous avons été humiliés par l’ICCN. Le bon sens voudrait que la vérité soit connue », a conclu Monsieur Mpo.
Toutefois, les animaux ont été bel et bien réceptionnés au sanctuaire JACK, où ils seront pris en charge pour le reste de leur vie avant leur réintroduction dans leur milieu naturel. En attendant les conclusions de la commission d’enquête, nous continuons à suivre de près d’autres cas, dont les investigations sont en cours.
Alfredo Prince NTUMBA