Administrateur-directeur du Groupe ETEC Asbl « Entre Terre Et Ciel », et président de la Commission Nationale « Environnement, Climat et Développement Durable » de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), Eric Mukuna fais la lecture de la situation globale du pays en mettant l’accent sur le rôle du patronat congolais dans la recherche des solutions durables sur les questions environnementales auxquelles le pays fait face. Dans une interview accordée à Environews RDC, ce cadre de la FEC attend du gouvernement Suminua, l’accompagnement des entreprises privées dans la transition écologique. Interview réalisée par Alfredo Prince NTUMBA
Environews : Vous avez été élu à la tête du département Environnement de la FEC, quelle est votre vision, et comment comptez-vous la mettre en œuvre ?
Eric Mukuna : La Fédération des Entreprises du Congo a renouvelé lors du dernier trimestre 2023, son comité de direction avec de nouveaux présidents de commission nationale ; et ce pour un mandat de quatre (4) ans. Et en ce sens, j’ai été élu en tant qu’administrateur pour présider cette récente commission mise en place par mon prédécesseur, Tosi Mpanu Mpanu.
Dans le cadre de la vision de notre commission, nous allons dans un premier temps répondre au plus pressé, c’est-à-dire, rassembler un maximum de membres de la FEC dans des comités professionnels. Pour ce faire, nous avons mis en place trois comités : Comité professionnel « Assainissement et Recyclages » pour les opérateurs actifs, Comité professionnel « RSE et ESG » pour les entreprises engagées, et le Comité professionnel « Développeurs carbones » pour les bureaux d’études.
Toutefois, je ne peux limiter nos initiatives aux seuls membres de la FEC, raison pour laquelle, je cherche à financer une étude en 2 volets pour assurer et corréler les initiatives et problématiques des entreprises (enquête interne) à celles de la bonne compréhension et attentes de la population (enquête externe). A la suite de quoi, nous pourrons mener des actions cohérentes en fonction des aspects sectoriels des activités économiques.
L’autre aspect sera, ainsi, de renforcer le dialogue entre le secteur privé et les institutions publiques pour contribuer efficacement aux enjeux environnementaux et assurer la représentativité dans l’élaboration des politiques publiques et de réglementations environnementales.
Environews : Un nouveau gouvernement est en gestation en RDC. Quelles sont les attentes du patronat dans le domaine de l’environnement, et que compte-t-il apporter à ce secteur pour les 5 années à venir ?
Eric Mukuna : Le plus important pour le secteur privé dans l’avènement d’un nouveau gouvernement est de s’assurer de la continuité du dialogue. Nous avons vu le Ministère de l’Environnement bénéficier du statut et de la préséance en qualité de la vice-primature, puis du Ministère d’Etat. Cela en dit long sur les préoccupations environnementales dans le précédent gouvernement.
Nous devons donc espérer que ce nouveau mandat tiendra compte des enjeux liées à l’environnement tant pour la RDC que pour la planète. Au niveau du patronat, les premières attentes seront de militer pour l’élaboration d’une feuille de route des actions de l’Etat, l’harmonisation des taxes et textes provinciaux et nationaux, l’accompagnement des entreprises dans la transition écologique, le soutien aux initiatives des jeunes entrepreneurs dans la recherche, et tant d’autres chantiers à ouvrir au regard de nos potentialités et des opportunités qui s’offrent à la RDC. Ce gap de développement fait de nous un nouvel « El Dorado » !
Environews : La RDC est résolument engagée dans le développement des marchés carbones. Quelle est la place qu’occupe cette donne au sein du patronat ? Comment comptez-vous impliquer les entreprises membres de la FEC dans la quête de ces marchés au niveau national et international ?
Eric Mukuna : Je ne sais pas si on peut dire que la République Démocratique du Congo est résolument engagée dans le marché carbone, mais il est indéniable qu’elle fait partie des pays solutions ; et dans le cadre du contexte mondial, un rapprochement avec les 2 autres poumons que sont les bassins forestiers de l’Amazonie (9 pays) et celle du Mékong (6 pays), serait une stratégie bien plus payante pour assurer un front commun face au dictat des plateformes financières.
A noter que le bassin du Congo s’étend sur 6 pays, soit un total de 21 pays ! C’est la maîtrise des données (l’importance du data) qui permettra aux Etats et entreprises privées concernés de constituer un levier sur le marché carbone, tout en optimisant le développement des peuples autochtones et en équilibrant la gestion forestière. La FEC est une corporation patronale. Son rôle est d’assurer le consensus entre les ambitions budgétaires de l’Etat avec la réalité économique des entreprises.
Environews : Sur le plan de la RSE (Responsabilité sociétale des entreprises), comment travaillez-vous avec les entreprises membres de la FEC, pour s’acquitter de leurs obligations ?
Eric Mukuna : Justement dans la réalité économique des entreprises, il sied de rapprocher les obligations sociétales des entreprises aux préoccupations sociétales de l’Etat et/ou de la population. Là encore, un inventaire des initiatives professionnelles, des actions sectorielles et des volontés personnelles doivent concourir à des ambitions communes avec des résultats d’envergure.
Le souhait de notre Commission, au travers de nos comités professionnels, et des autres commissions transversales ou sectorielles est de pouvoir par l’exemplarité des uns, susciter l’implication des autres. Raison pour laquelle nous militons également pour que les entreprises n’ayant pas encore rejoint la FEC puissent le faire.
Le succès d’une politique de développement durable suppose que toutes les catégories de la population et toutes les forces sociales conscientes de leur responsabilité contribuent à protéger et améliorer l’Environnement (CNUCED, Helsinki, 1975)
Notre Commission encourage les entreprises à s’engager dans des initiatives collectives de RSE et des contributions aux ODD. La FEC est convaincue que la RSE est un facteur clé de succès pour les entreprises congolaises améliorant leur performance économique, leur réputation et contribuant ainsi au développement durable de la RDC.
Environews : Toutes les grandes villes de la RDC sont sales. Et pourtant les déchets représentent une opportunité pour les entreprises, quelle politique mettez-vous en œuvre pour pousser les entreprises membres de la FEC à s’y lancer ?
Voilà, justement un secteur dont les autorités doivent se saisir. Il existe des opérateurs (tant collecteurs que recycleurs), mais il y a plusieurs défis et difficultés notamment ceux liés à la logistique, la transformation, les débouchés. Il nous faut garder à l’esprit que la FEC est avant tout un syndicat patronal et dans le cadre d’accompagnement en PPP il est possible qu’elle intervienne. Je tiens ici à souligner que la collaboration avec le Ministère de l’Environnement est une nécessité mais il y va de leur responsabilité à réguler ce service public.
Pour encourager les entreprises congolaises à s’engager davantage dans la gestion des déchets, le gouvernement doit mettre en œuvre une série de politiques d’incitation. La problématique liée à l’assainissement nous préoccupe, et en tant que président de cette Commission, nous espérons des débats qui seront ouverts avec le nouveau gouvernement pour trouver le modus operandi adéquat pouvant permettre des investissements conséquents dans ce secteur. Nous pourrons alors « transformer les ordures en or dur ! ».