La réforme du secteur de la faune en République démocratique du Congo est au cœur de discussions à Kinshasa. Pendant trois jours, les participants vont réfléchir sur des nouvelles propositions qui puissent permettre au gouvernement congolais de créer des nouvelles stratégies pour sauver la faune sauvage. Cet atelier de cadrage institutionnel et technique du processus de réforme du secteur de la faune a été lancé ce mardi 12 mars.
« Initier la réforme dans ce secteur s’avère très urgent. Agir demain pourrait être trop tard. Alors, il faut agir maintenant et vite. Pour ce faire, nous devons sauvegarder la biodiversité mais aussi améliorer les conditions de vie des communautés. C’est la raison d’être de cet atelier. On ne doit pas se limiter à la critique des failles, mais envisager des réformes en vue de préserver la biodiversité pour les générations futures. D’où, nous devons proposer des solutions parraines ». A martelé le secrétaire général à l’Environnement, Benjamin Toirambe.
La RDC est mondialement réputée pour, entre autres, la diversité et l’abondance exceptionnelle de sa faune sauvage. C’est le seul pays au monde qui possède trois des quatre espèces de grands singes à savoir : le gorille, le chimpanzé et le bonobo, selon les évaluations qui résultent d’un document synthèse de diagnostic (DSD).
Ces informations ont permis aux participants de prendre connaissance sur ce que regorge la faune sauvage de la RDC dans son ensemble. « On ne peut réformer ce qu’on ne connaît pas », ont martelé les intervenants.
A en croire le Directeur National de WCS, Jean Paul Kibambe Lubamba, la WCS, présente en RDC depuis 38 ans, est résolument engagée dans la protection de la biodiversité du pays, dont la faune fait partie. Ces assises sont un effort de plus pour trouver comment faire pour sauver la faune sauvage de la RDC, à travers le programme de cette organisation qui date de 10 ans aux côtés des autorités de la RDC avec des études innovantes dans l’objectif de trouver comment faire pour préserver la faune sauvage.
« Ces assises constituent une opportunité pour converger les visions, en vue d’aboutir à ce que la RDC rêve pour sa faune. Notre action aux côtés des autorités congolaises contribue à la matérialisation de la politique nationale et à la mise en œuvre des engagements de la RDC au niveau international et régional en matière de la protection de la biodiversité et de l’adaptation au changement climatique. Parmi les solutions envisagées, il y a notamment la réglementation de la chasse coutumière en dehors des aires protégées, la responsabilisation des peuples autochtones pygmées de la gestion de ressources naturelles », a-t-il indiqué.
D’où, la nécessité de travailler sur la mise en place d’une stratégie nationale de la conservation de la nature. « Le défi reste l’application de la loi n° 14/003 du 11 février 2014 relative à la conservation de la nature. Une loi qui a totalisé 10 ans. Et, au-delà de son application, les mesures d’application de cette loi souffre encore de leur adoption. Il est donc attendu de cet atelier, le lancement officiel du processus de réforme du secteur de la faune en RDC mais aussi la mise en place du comité de pilotage des acteurs clés de cette réforme », a indiqué le représentant de l’ICCN à ces assises.
Comment assurer la viabilité des aires protégées en RDC ?
La faune sauvage est également une source de protéines et de revenus pour plus de 60 millions de congolais dont la plus grande partie vit en milieux ruraux. Certaines communautés, particulièrement les peuples autochtones pygmées, dépendent fortement des ressources fauniques pour leur survie quotidienne, comme source principale de protéines animales, ainsi que pour leur identité culturelle. A ce titre, ces communautés sont des partenaires incontournables dans la protection des forêts. Mais, ils se sentent écartés de la gestion des forêts en RDC.
« L’ICCN a relevé clairement qu’il a reçu la mission de préserver les parcs. Or, il y a la présence de l’autorité coutumière partout où on parle de la coutume, mais aucun n’est mentionné dans la loi. Pourtant, l’implication de l’autorité coutumière est prépondérante parce qu’elle représente avant tout la communauté locale puis les cultures et tout ce qu’on veut protéger dans la faune et la flore », s’est indigné Mfumu Difima. « Si nous sommes associés, nous allons étudier ce qui ne va pas. Les périodes de chasse sont connues même en Europe. Comment peuvent-ils penser à conserver les forêts sans nous ? »
Et, à l’ANAPAC d’ajouter que les peuples autochtones pygmées ont appris de leurs grands-parents comment mener une vie cohérente avec la nature. « Nous aimons certes la viande mais nous la consommons d’une manière rationnelle. Vous remarquerez qu’il y a une grande diversité dans les zones où vivent les PAP. Cela se transmet de génération en génération. Ils savent comment utiliser la forêt durablement. Mais aujourd’hui, nous sommes confrontés à des problèmes tels que : le braconnage ; les interdictions d’accès aux aires protégées ; la vente de la viande de brousse par procuration ; le manque d’alternative en dehors de la chasse ; l’enclavement et la pauvreté ; l’absence de mécanisme de partage des avantages issus des aires protégées. Vous nous interdisez la chasse mais vous ne donnez aucune alternative. Comment allons-nous vivre ? », a insisté Prescillia Monireh.
Raison pour laquelle, le secrétariat général du ministère de l’Environnement travaille en collaboration avec différents programmes et partenaires, pour accroître et actualiser la compréhension du secteur de la faune sauvage en RDC, comme priorité d’assurer une bonne gouvernance de ce secteur, comme pilier et ressort du développement durable en RDC.
Notons que cet atelier est organisé par le Ministère de l’Environnement et Développement durable, avec le soutien de la Task force multi acteurs et multidisciplinaires des services du Ministère de l’environnement, de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN), FAO, Wildlife Conservation Society (WCS), WWF et l’Alliance Nationale d’Appui et de promotion des Aires et territoires du Patrimoine autochtone et Communautaire (ANAPAC).
Sarah MANGAZA