La ville de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC), n’a pas été épargnée par la récente crue du fleuve Congo. Les inondations ont ravagé plusieurs ménages et laissé de nombreuses familles dans l’incertitude. Pour Jean-Chrétien Ekambo Duasenge, professeur émérite à l’Institut facultaire des sciences de l’information et de la communication (IFASIC), cette situation ne devrait pas surprendre, car elle est également la conséquence de l’urbanisation sauvage dont a été victime la capitale depuis l’époque précoloniale, ainsi que des intérêts d’occupation de Léopold II, le Roi des Belges.
« Nous sommes allés vers le fleuve »
Intervenant lors d’une exposition photo sur les conséquences du débordement des eaux du fleuve, organisée ce samedi au Musée national de la RDC par ACTUALITE.CD, Jean-Chrétien Ekambo estime que tout a commencé lorsque Léopold II, le Roi des Belges, a pris la décision d’occuper le Congo à partir du fleuve Congo. « Ce n’est pas le fleuve qui est venu vers nous, ce sont nous qui sommes allés vers le fleuve », a-t-il souligné.
Auteur de l’ouvrage « Histoire du Congo RDC dans la presse : des origines à l’indépendance » paru chez L’Harmattan en 2013, Jean-Chrétien Ekambo soutient que la question des inondations ne peut être comprise sans une approche holistique, incluant notamment la géohistoire de la ville.
Selon Jean-Chrétien Ekambo, tout a commencé lorsque Stanley naviguait sur les eaux du fleuve Congo dans les années 1860. Lui et ses accompagnateurs ont pu observer de vastes étendues d’eau qu’ils n’avaient vues nulle part ailleurs dans leur parcours en Afrique. Ils ont nommé ces étendues d’eau « Pool Stanley », devenu Pool Malebo, en référence au palmier qui orne les rives du fleuve dans son cours inférieur.
Après ce premier voyage en tant que journaliste, explique le professeur Ekambo, Stanley a plus tard reçu la mission d’explorer le Congo pour son occupation par le roi Léopold II.
« Il a commencé par occuper Vivi, Boma, et puis Kinshasa (Léopoldville) parce qu’ils avaient le même sort, c’étaient des terminus. Il a fait de Léopoldville la capitale parce que c’est de là qu’on lui amenait les pièces détachées de ses bateaux, qu’il assemblait pour commencer le travail que lui avait assigné le roi Léopold II. Pour le Roi Léopold II, le Congo ne devait être occupé que par son fleuve. Stanley a créé une petite cité entre le mont Ngaliema et le fleuve », a-t-il expliqué.
Depuis lors, plusieurs populations ont envahi les terres de Kinshasa, y construisant anarchiquement, sans tenir compte des normes d’urbanisation. Cette situation perturbe le régime des fleuves, exacerbée par le réchauffement climatique, une autre cause des inondations et des crues récurrentes du fleuve Congo.
Le rôle du journaliste
Saluant l’initiative d’ACTUALITE.CD, qui consiste à appréhender les réalités quotidiennes de la population par le photojournalisme, Jean-Chrétien Ekambo appelle le journaliste à anticiper les événements et à ne pas se laisser dépasser par eux.
« Les inondations ne doivent pas être considérées comme quelque chose d’imprévu par le journaliste. Le journaliste se prépare pour ces types d’événements, d’autant qu’ils sont prévisibles », a-t-il conseillé.
Il doit également s’atteler à fournir des chiffres fiables, car son travail interpelle également les services publics qui, à travers le ministère des affaires sociales par exemple, peuvent prévoir des réponses spontanées à ce genre de catastrophes naturelles.
Bruno Nsaka / Actualite.cd