Depuis l’arrivée de la nouvelle équipe de gestion de l’Agence congolaise de l’Environnement (ACE), les violons ne s’accordent pas entre cet établissement public et l’Association des bureaux d’études environnementales agréés (ABEEA). Les promoteurs de ces bureaux sont montés au créneau pour accuser le nouveau comité de gestion d’être à la base de la lenteur constatée depuis un moment, dans le traitement de leurs dossiers d’étude d’impact environnemental et social. Dans une interview accordée à Environews RDC, le coordonnateur de l’ABEEA, déplore cette situation qui met en mal le travail des bureaux d’études agréés en RDC.
« Il a été relevé la lenteur au niveau de traitement des dossiers auprès de l’agence. Ceci défavorise nos différents partenaires qui attendent. Du point de vue de la loi, nous n’avons que 90 jours pour valider les études. Il y’a d’autres collègues qui ont dit que leurs dossiers vont au-delà d’une année. Ça, ce n’est pas correct dans le cadre des affaires », a déclaré Alain Nzamba, coordonnateur de l’ABEEA.
Lors d’une réunion organisée à la FEC (Fédération des entreprises du Congo), le 09 janvier 2024, les promoteurs des bureaux d’études environnementales ont également déploré l’obligation de « pot de vin », instauré en mode opératoire pour voir son dossier être traité en toute célérité. Ce pot de vin s’élève parfois à 150 dollars que l’on exige aux consultants lorsqu’ils viennent déposer leurs dossiers à l’ACE. A cette pratique odieuse, s’ajoute également, le fait que plusieurs agents et cadres de cette agence se sont transformés en bureau d’étude, ou en disposent carrément eux-mêmes.
« Nous voulons une collaboration fluide et sincère. D’honnêteté et de transparence entre les bureaux d’études et l’ACE qui est l’organe technique direct qui travaille avec nous », a plaidé Monsieur Nzamba.
Une crise délibérée ?
Selon le cabinet du DG, vraisemblablement, cette situation est de nature à jeter l’opprobre sur les efforts du Comité Lama Onyangunga, directeur général de cet établissement. Pour son directeur de cabinet, Abraham Itshudu, tout semble être monté pour créer une crise afin de salir l’équipe dirigeante.
Dans une lettre du 22 janvier 2024 adressée au directeur Evaluations de l’ACE, Steve Lemba, le directeur général s’indigne de la non transmission des observations sur les différents dossiers déposés à l’ACE depuis son arrivée à la tête de cette institution. Il a par la même occasion exigé des explications sur ce retard.
« Contribuant au freinage du processus de validation des études environnementales dans le but de ternir l’image de l’Agence Congolaise de l’Environnement aux yeux de ses partenaires et bailleurs de fonds multilatéraux…, un délai de 48 heures vous est accordé pour me transmettre tous les rapports des observations provisoires de tous les EIES », peut-on lire dans cette lettre consultée par notre rédaction.
Réagissant à ces accusations, le directeur évaluation de l’ACE a tenu à préciser qu’il n’est pas la cause de ce blocage. Par ailleurs, il pense que le retard est causé par le cabinet du DG qui reçoit les dossiers des consultants (Bureaux d’études). A l’en croire, plusieurs dossiers déposés à l’ACE, font plus de 3 mois en traitement au cabinet avant d’être transmis à son service pour avis techniques. Ce qui rend le processus très lourd, causant ainsi une lenteur dans le traitement des dossiers.
Outre cet aspect, il a aussi relevé que depuis le mois de septembre 2023, sur instruction de la hiérarchie, ses outils de travail ont été réquisitionnés au cabinet, et la salle de réunion où les techniciens siègent pour évaluer les EIES avait été scellée.
« Le 28 septembre de l’an dernier, il m’a été confisqué les outils de travail, notamment les imprimantes. Un jour après, c’est la salle de réunion qui a été fermée. Je l’ai constaté sans que l’on me dise quoi que ce soit. Je les ai récupérés le 05 décembre. Durant tout ce temps, comment estimeriez-vous que je serais en mesure de faire mon travail? », s’est indigné Steve Lemba, directeur des évaluations.
Il a par ailleurs informé que ses équipes sont à pied d’œuvre pour clôturer les évaluations et renvoyer les différents dossiers à la direction générale afin que les bureaux d’études soient servis. « La dynamique actuelle à notre niveau est de se concentrer à pouvoir libérer tout ce qui traîne à notre niveau », a-t-il rassuré.
Si d’une part cette lenteur décriée est due à la non transmission des observations et la non signature des certificats, il ressort tout de même d’autre part que ce retard est aussi dû au refus des bureaux d’études de payer les frais liés au coût d’investissement devant désormais être inclus dans chaque dossier d’étude environnementale.
« Le coût d’investissement est une obligation légale. Avant, cette disposition n’était pas appliquée, ou l’était de manière forfaitaire. Aujourd’hui, chaque bureau agréé est censé s’acquitter de cette obligation légale. Avec ce coût d’investissement, l’ACE saura la valeur réelle taxable. Jamais un établissement public ne peut fonctionner avec une taxation forfaitaire, alors que la loi en dit autrement », a précisé le Dircab.
Aux dernières nouvelles, une commission d’évaluation pourrait être mise en place dans un plus bref délai afin d’accélérer le traitement de différents dossiers en ordre et délivrer des certificats aux requérants.
Des certificats non conformes
Plusieurs sources recoupées au sein de cette institution ont renseigné l’émission des certificats non conformes. Selon ces sources, il existe des certificats émis par le cabinet du DG en toute illégalité et non conformité. Des certificats émis sans que des évaluations préalables ne soient réalisées. Interrogés à ce sujet, certains responsables des bureaux d’études ont confirmé ce fait et déploré la manie qui prend forme au sein de l’ACE. Une situation qui met en péril la dignité de ce service de l’État, et surtout la crédibilité des bureaux d’études vis-à-vis des promoteurs.
Notons par ailleurs que l’Agence congolaise de l’Environnement est un service d’assiette. Elle est sous tutelle du ministère de l’Environnement et développement durable. En vue de redynamiser ses activités et mobiliser plus de ressources financières, le le comité de gestion entend notamment revoir les différents arrêtés de fonctionnement, catégoriser les différentes études, et renforcer sa présence dans toutes les provinces.
Nous y reviendrons avec plus de détails.
Alfredo Prince NTUMBA