Environ 57 organisations de la société civile ont lancé un message en direction des chefs d’Etat et des gouvernements de pays membres de trois bassins tropicaux. En marge du sommet qui s’ouvre à Brazzaville (Congo), ce jeudi 26 octobre, elles attirent l’attention de ces derniers, sur l’aggravation des menaces qui pèsent sur les forêts tropicales de ces trois bassins. Dans leur déclaration publiée ce mardi 24 octobre 2023, ces organisations invitent les chefs d’Etat à mettre au centre de leurs échanges, les droits des peuples autochtones et des communautés forestières.
« Nous, soussignés organisations de peuples autochtones, environnementales et autres organisations qui travaillent en première ligne, vous écrivons pour vous faire part de nos inquiétudes quant à la direction prise par cette initiative, en particulier le manque d’attention à l’égard des impacts négatifs des industries extractives et autres industries sur les forêts tropicales. », peut-on lire dans cette déclaration. « Nous sommes profondément préoccupés par le fait que l’initiative des Trois Bassins semble plus concernée par les marchés du carbone que par les droits humains des peuples autochtones et d’autres personnes en première ligne de la déforestation et de la dégradation des forêts ».
Pour ces organisations, les solutions à la déforestation tropicale doivent venir des pays forestiers tropicaux. Alors que l’objectif déclaré du sommet est de préserver et de restaurer les trois grands bassins de forêts tropicales de la planète, une nouvelle recherche montre qu’en réalité, plusieurs pays des trois bassins avancent des plans qui vont dans la direction contraire.
En Amazonie, les blocs pétroliers et gaziers existants ou prévus chevauchent aujourd’hui environ 65 millions d’hectares, soit 13 %, de forêt tropicale intacte et plus de 31 millions d’hectares de territoires autochtones abritant plus de 500 nationalités indigènes.
Dans le bassin du Congo, les blocs pétroliers et gaziers prévus chevauchent près de 71 millions d’hectares, soit 39 %, de forêts tropicales intactes, qui abritent plus de 16 000 lieux habités, y compris des communautés autochtones et tributaires de la forêt.
En Asie du Sud-Est, les blocs pétroliers et gaziers désignés pour la production ou l’exploration couvrent plus de 34,8 millions d’hectares, soit près de 20 %, de forêts tropicales intactes. En Indonésie, plus de 99 000 lieux habités, comprenant un grand nombre d’autochtones et de personnes tributaires de la forêt, se trouvent à l’intérieur des blocs pétroliers et gaziers. En même temps, les populations autochtones et les défenseurs de l’environnement sont persécutées et tuées en plus grand nombre pour défendre ces terres forestières que le sommet des trois bassins est censé protéger.
Ces organisations dénoncent l’influence des autorités des différents pays tropicaux pour continuer à détruire des vies et des forêts en toute impunité. « Il est clair qu’en continuant sur la voie d’un extractivisme en expansion constante, il sera impossible d’atteindre les objectifs mondiaux en matière de climat et de biodiversité », déplorent-elle. « Nous devons emprunter une autre voie, fondée sur une transition énergétique juste, des économies durables et le respect des droits des communautés autochtones et locales de défendre et gérer leur propres territoires ».
Les acteurs de la société civile regrettent des difficultés à s’inscrire à l’événement, sans parler d’en influencer le contenu. Elles appellent les gouvernements des trois bassins à s’engager notamment sur l’accroissement de la protection juridique fondée sur le droit, la démarcation et la reconnaissance des terres et territoires des communautés forestières comme condition préalable à une protection plus efficace des forêts. Les Etats devront renforcer et protéger les populations autochtones et les autres défenseurs de l’environnement et des droits humains en première ligne, notamment en améliorant l’accès à la justice.
Ils devront par ailleurs accélérer un véritable développement à faible émission de carbone dans les pays forestiers tropicaux grâce à une transition énergétique juste, en protégeant les forêts naturelles ainsi que les droits et la souveraineté alimentaire des communautés locales et des peuples autochtones.
Notons que plusieurs organisations de la République démocratique du Congo et ceux de l’Indonésie ont signé cette déclaration.
Alfredo Prince NTUMBA