L’Université de Kinshasa et le Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR) ont organisé un dialogue scientifique et politique sur les mécanismes de financement et de partage des bénéfices de la REDD+ en République démocratique du Congo : opportunités et défis. Ce dialogue a été destiné aux institutions gouvernementales, aux universitaires, aux bailleurs de fonds, aux organisations de la société civile, au secteur privé, aux institutions de recherche et aux partenaires impliqués dans les secteurs du changement climatique, de la forêt, de l’environnement et de la finance. A eu lieu à Kinshasa, le mardi 17 octobre 2023.
Au cours de cette matinée scientifique, les experts ont partagé les informations utiles notamment sur la typologie des financements climatiques qui arrivent en RDC, leur taux de décaissement et les goulots d’étranglement qui empêchent le pays à tirer pleinement profit de différents mécanismes de finance climat.
« Entre ce qui est promis et ce qui est décaissé, la République démocratique du Congo n’a pas forcément le même taux de décaissement qu’on observe dans d’autres pays du monde. On a un taux de décaissement qui est relativement bas », a indiqué Denis Sonwa, expert au CIFOR.
Selon les organisateurs, les recherches en cours menées dans le cadre du projet CIFOR et Université de Kinshasa vont aider à mettre en lumière quelques chiffres sur le flux financier climatique en lien avec la RDC.
Renforcer le cadre existant
Le débat a porté également sur l’analyse du cadre existant en matière du partage des bénéfices de la finance climat et éventuellement les difficultés qui en découlent. Il ressort de l’analyse que la société civile s’intéresse moins à la finance climat qu’au processus REDD de manière générale. Elle a contribué significativement à la confection de la stratégie nationale REDD de la RDC et aux études faites sur les moteurs de déforestation.
Les chercheurs ont relevé la quasi inexistence des projets portés par la société civile notamment en ce qui concerne les paiements pour services environnementaux. Et pourtant, ce mécanisme souple présente plusieurs avantages pour les communautés et associations qui s’emploient à réduire les émissions ou à les éviter. Cependant, on peut apercevoir que la société civile congolaise ne fait pas partie des développeurs ou promoteurs de projet REDD+.
« Plusieurs raisons le justifie, notamment les contraintes financières et techniques. Développer un projet requiert suffisamment de moyens financiers et techniques. D’autres raisons non évoquées peuvent s’y ajouter », a indiqué Dr. Stibniati Atmadja, chercheur.
Plusieurs actions doivent être prises pour inciter la société civile à s’engager dans ce secteur porteur. Les chercheurs ont recommandé au gouvernement congolais de soutenir la société civile afin qu’elle soit développeur ou promoteur de projet REDD, en lui dotant des possibilités financières et techniques. L’Etat doit également prévoir un cadre dans lequel ce soutien peut être possible.
Ensuite, la société civile congolaise peut en tant que bénéficiaire du projet, avoir l’opportunité de bénéficier des finances issues des projets REDD. Le plan de partage de bénéfices doit être clairement défini et prévoir une répartition leur permettant de bénéficier amplement des projets REDD.
L’analyse a également démontré que le secteur privé congolais n’est pas bien entré dans le processus REDD et ne profite pas des finances autour de ce processus. « On peut noter une faible participation du secteur privé dans la confection du processus REDD en RDC avec quelques représentants dont la FEC, la FIB. Comme développeur de projet REDD, le secteur privé congolais est quasi inexistant », a renseigné Blaise-Pascal Ntirumenyerwa Mihigo, Chercheur principal au projet CIFOR-Unikin-Norad.
Il existe un cadre peu précis sur le partage des bénéfices et les paiements pour services environnementaux en RDC qui doit être amélioré. Des réflexions avec une participation de toutes les parties prenantes méritent d’être faites en s’appuyant sur la science et l’expérience de terrain en présence. L’Etat congolais doit prendre le leadership de cette action et la conduire avec la participation de toutes les parties prenantes jusqu’au bout.
Taxe carbone, bonne initiative qui divise
Une autre analyse présentée lors de ce dialogue a porté sur la faisabilité de la mise en œuvre de la taxe carbone en RDC. L’auteur de cette étude affirme avoir évalué l’efficacité de la taxe récemment instaurée par le gouvernement et son acceptation sociale. Bien qu’elle ne soit pas encore opérationnelle, car attendant la prise d’un arrêté interministériel, cette taxe est opportun estime le chercheur.
Bien encadrée, la taxe carbone pourra contribuer à mobiliser plus de moyen pour la CDN de la RDC. néanmoins, sa mise en oeuvre nécessite quelques outils susceptibles de favoriser son efficacité. C’est notamment la définition de la norme, et le renforcement des capacités de ceux qui seront appelés à la recouver.
Néanmoins, cette taxe ne fait pas l’unanimité. « Comparée au processus REDD, la taxe carbone divise toujours les parties. D’une part, la société civile se dit n’avoir pas été consultée, et d’autre part, le secteur privé craint une double taxation avec les autres mesures qui existent notamment la taxe de pollution et autres taxes environnementales. Il souhaite que le gouvernement justifie concrètement dans quel domaine doit s’appliquer cette taxe », a déclaré Claude Boyoo, chercheur.
La République démocratique du Congo s’emploie à mettre à jour son cadre juridique pour réglementer le secteur de la finance climat. La mise en place de l’Autorité de Régulation du Marché du Carbone (ARMCA) démontre bien la volonté du pays de bien se positionner sur le marché de crédit carbone.
Les scientifiques ont profité de l’occasion pour inviter le gouvernement congolais à tourner son regard vers la science, surtout sur des questions aussi complexes comme celle de la finance climat.
Alfredo Prince NTUMBA