Zhimin Wu, Directeur de la Division des forêts, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
Au cours des 40 dernières années, plus de 20 pour cent des mangroves ont disparu à l’échelle mondiale en raison des activités humaines et de la rétractation naturelle. Cependant, le changement climatique a amené l’humanité à réévaluer ses ressources naturelles, et l’on comprend de plus en plus que les mangroves sont bien plus précieuses lorsqu’elles restent debout. Elles protègent les côtes, contribuent à la sécurité alimentaire, comptent parmi les forêts les plus riches en carbone du monde et constituent l’un de nos écosystèmes les plus extraordinaires.
Il faut du temps, des efforts concertés au niveau global et des ressources pour changer les habitudes humaines et encourager des approches durables. Mais un nouveau rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) montre que les gouvernements et les communautés côtières du monde entier progressent de plus en plus rapidement vers la fin de la déforestation des mangroves.
Selon l’étude, entre la première et la deuxième décennie de ce siècle, le taux de disparition des mangroves a diminué de près d’un quart (23 pour cent).
L’Asie, qui abrite près de la moitié des mangroves de la planète, représente aujourd’hui 54 pour cent de la perte totale de mangroves, contre 68 pour cent en dix ans seulement.
Au cours de la même période, l’aquaculture (principalement l’élevage de crevettes en étang), l’une des principales causes de la disparition des mangroves, est passée de 31 pour cent à 21 pour cent de l’ensemble des pertes.
Ce sont des réalisations extraordinaires qui méritent d’être célébrées aujourd’hui, le 26 juillet, Journée internationale pour la conservation de l’écosystème de la mangrove.
Mais ce n’est pas la seule bonne nouvelle.
Tandis que les hommes ont réduit leur impact, l’étude révèle que, contrairement aux autres forêts, les mangroves peuvent se propager très rapidement si on leur en donne l’occasion.
Au cours des 20 années étudiées, 677 000 hectares de mangroves ont disparu mais de nouvelles mangroves ont été établies sur une surface égale à plus de la moitié de cette superficie – 393 000 hectares, soit l’équivalent de 550 000 terrains de football –, ce qui représente donc une perte nette de 284 000 hectares durant cette période. Quelque 82 pour cent des nouvelles mangroves ont poussé naturellement.
Néanmoins, alors que nous constatons de réels progrès en ce qui concerne les mangroves, le changement climatique fait des ravages de plus en plus importants.
La rétractation naturelle est la deuxième cause de disparition des mangroves (26 pour cent de la perte totale sur une période de 20 ans) et est au moins partiellement liée au changement climatique. Ce dernier peut affecter les mangroves par l’élévation du niveau de la mer, l’augmentation du dioxyde de carbone dans l’atmosphère, la hausse des températures, la modification des précipitations et les conditions météorologiques extrêmes.
L’étude de la FAO révèle également que les catastrophes naturelles n’ont constitué que 2 pour cent de l’ensemble des pertes sur une période de 20 ans. Toutefois, cela représente encore un triplement des pertes, et les dommages causés aux mangroves par les catastrophes naturelles devraient s’aggraver.
Cela signifie que nous devons redoubler d’efforts et d’investissements dans les années à venir.
Ces forêts extraordinaires ne couvrent peut-être que 14,8 millions d’hectares dans le monde, mais sur les côtes des 123 pays où elles se trouvent, les mangroves comptent vraiment.
En cas de catastrophe, comme les tempêtes, les raz-de-marée, les inondations et les tsunamis, les mangroves peuvent littéralement retenir la mer qui déferle, absorbant ainsi une grande partie de l’impact. Lors du tsunami de 2004 dans l’océan Indien, les zones dotées de mangroves ont subi nettement moins de dégâts que celles qui en étaient dépourvues.
Les mangroves soutiennent également les communautés côtières en constituant une riche source de nourriture et de revenus. Gérées de manière durable, les mangroves peuvent fournir du poisson, des mollusques, des crustacés et des matériaux tels que du bois de chauffage, du bois d’œuvre, du miel, des médicaments et du fourrage pour les générations à venir.
La FAO travaille avec les communautés côtières à promouvoir ces avantages vitaux, stimulant les moyens de subsistance tout en préservant les mangroves. Par exemple, au Costa Rica, la FAO a fourni une formation à des femmes qui ont créé une coopérative et qui protègent les mangroves tandis qu’elles réalisent des bénéfices en vendant des coquillages et en prenant des commandes sur des applications de médias sociaux.
Pour inverser la tendance à la déforestation des mangroves, il est essentiel de faire prendre conscience, aux niveaux mondial, national et local, qu’elles font partie du patrimoine forestier d’un pays.
Cela suppose d’intégrer les mangroves de manière cohérente dans les politiques nationales et de développer des plans, des stratégies et des compétences sur le terrain pour les utiliser et les gérer de manière durable.
Nous devons exploiter l’élan acquis, tirer les leçons et partager les connaissances issues des stratégies réussies afin de continuer à réduire la pression humaine sur cette ressource naturelle unique et précieuse.
Lien à la publication: The world’s mangroves 2000–2020