Kinshasa : Cher Pape François, votre sainteté n’oubliez pas de nous délivrer de l’insalubrité

Cher Saint Père, cher François, dans exactement 24 heures, vous allez fouler le sol congolais. Ce 31 janvier 2022, vous serez dans ce pays béni de Dieu, au cœur de l’Afrique. Ce pays pour lequel vous avez beaucoup intercédé à Dieu, ces dernières années, à cause notamment de la guerre qui nous est imposée par le Rwanda sous couvert du M23. Votre sainteté, bienvenue à Kinshasa, la belle! Hélas, les mots me manquent pour bien vous décrire la ville qui vous accueillera et son peuple. Mais, retenez une chose, c’est ici chez nous que la SAPE tire ses origines. Toutefois, bien avant de quitter le saint siège, n’oubliez pas l’eau bénite, mais aussi votre sainte moustiquaire.

Bienvenue dans l’une des capitales les plus sales au monde ! Heureusement, Kinshasa vient d’être oubliée si pas retirée de la liste des 25 villes les plus sales de Forbes. Oui, cher Saint Père ! Je sais que vos pensées sont déjà tournées vers mon Congo natal. Ni le poids de l’âge, ni les bruits des armes de guerre à l’est de notre territoire n’ont réussi à briser la flamme d’amour que vous portez dans votre cœur pour le peuple congolais. Un peuple que Dieu a mis à votre charge, en tant que père spirituel. Plus de 30 ans après votre prédécesseur, Jean-Paul II, la Papamobile va se frayer un chemin, et rouler au milieu d’un peuple en liesse. Un peuple bien SAPE, comme jamais !

Cette ville qui vous accueille est l’une des plus grandes d’Afrique. Autrefois appelée Léopoldville, elle est la capitale de la RDC.  Elle s’étend sur 9 965 km2. Avec une population estimée en 2021 à 16 millions d’habitants dans sa zone métropolitaine, à eux s’ajoutent des millions des moustiques, des rats et des mouches. 

Très Saint Père, plus de 15 millions d’âmes se mettront le long du majestueux boulevard Lumumba pour vous souhaiter la bienvenue. Oui, à 90% Kinshasa est composée des chrétiens. Tous ou presque, sommes des chrétiens dans notre diversité. Même ceux qui ne le sont pas sont nos frères, nos mères, nos pères et nos enfants. Pour l’occasion, ils seront aussi de la partie.

Sa sainteté, ce que vous ne savez pas encore, c’est que nous vos fidèles chrétiens, surtout ceux de Kinshasa, sommes sales. Alors trop sales. Ne vous fiez pas à notre code vestimentaire, cela fait partie de la SAPE, et vous en saurez plus.

Rien que par l’odeur de votre sainteté, le boulevard Lumumba a retrouvé sa notoriété. De l’aéroport International de N’djili par où vous atterrirez jusqu’à Ndolo, lieu choisi pour la célébration eucharistique les abords ont été nettoyés. Les marchés pirates et garages démolis, les vendeurs ambulants chassés, et les petits voleurs dissimulés souvent dans les foules immenses embrigadés.  

Enfin, la sainteté du Pape a réveillé nos autorités, elles se sont senties obligées de gouverner. Nuit et jour, depuis l’annonce votre arrivée, elles travaillent comme des fourmis, sans répit. Car, le Pape François est saint, sa sainteté ne peut jamais voir la saleté, ni vivre dans la médiocrité. Mais, cela c’est pour combien de temps ? Alors, que le Saint Père reste avec nous. Le périmètre papal de la Gombe deviendra votre Vatican. Ainsi, nous vos chrétiens pourront vivre comme des humains. Car, nos autorités continueront à travailler.

Cher François, cette ville et son peuple ont besoin de l’affranchissement. Un besoin immense de la délivrance. Si les bannières hissées le long du boulevard n’ont mentionné que la Paix, et l’Amour, cependant, on a oublié la salubrité. Nous avons aussi besoin que votre arrivée nous révèle réellement notre identité. Une identité humaine que nous avons totalement perdue. “Tous réconciliés en Jésus-Christ” n’aura tout son sens que si nous nous réconcilions aussi avec nous-même et avec notre environnement.

Si l’artiste musicien Papa Wemba a défini la SAPE comme la Société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes, il avait certes raison. Chez nous, la SAPE a plus de valeurs que de vertus. Au moment où je vous écris, je suis dans le banc de mon église, en face de moi un pasteur, et un prêtre tous Sapés comme jamais.

Mais, l’avenue qui mène vers mon église, et même vers ma maison n’est qu’un véritable abîme. Une poubelle à ciel ouvert, où tout se mélange amèrement. Les rats, les cancrelats et les moustiques sont tous nos voisins proches.

La saleté est confondue à la propreté, et l’élégance à la rubiconde. La gestion des déchets n’a jamais été une préoccupation pour nous tes chrétiens.  Cette question n’a jamais été évoquée ni dans les prédications ni dans les homélies. Même le caniveau de notre voisin a totalement disparu car, tous les déchets du quartier y ont été déversés, avec l’idée que c’est l’Etat qui doit s’en charger.

L’inconscience collective face à l’insalubrité de nos milieux de vie a pondu des concepts aussi outrageux que rigolos. « Moto Muindu a kufaka na microbe te » (L’homme noir ne meurt jamais d’infections), ou encore « Yo nde okobongisa Mboka oyo ? » (Est-ce toi qui arrangera ce pays ?). 

Nous pataugeons au quotidien dans la crasse. Nous mangeons dans la crasse, nous dormons dans la crasse, nous sommes finalement devenus la crasse tout en restant fidèles à la SAPE, qui n’est rien d’autre que la Saleté Autorisée au Public par ses Élites.

Et pourtant, sommes tous chrétiens, requinqués par nos intentions, des prières soient-elles que des promesses d’un Congo l’Allemagne d’Afrique. Oui, Souverain pontife, l’élite congolaise a faillit. Elle a faillit sur toute la ligne.

Nous serons, tirés à quatre épingles ! Ne vous fiez jamais à nos apparences. Nous faisons tous corps avec la crasse, personne ne s’en soucie. Et pourtant, Dieu n’aime pas la crasse, et il en proscrit aux israélites (Deutéronome 23 : 12-14).  Peut-on aussi conclure que vivre dans la saleté n’est pas un crime ?

Collectivement, nous avons besoin d’être délivrés. Nous voulons vivre comme des humains du 21ème siècle, propre pour l’humanité et pour Dieu. Ce serait aussi ça « Tous réconciliés en Jesus-Christ ».

S’il vous plait, cher François, avant de quitter le saint siège, n’oubliez pas un grand seau d’eau bénite, à asperger sur l’ensemble de la ville, afin de chasser loin de nous toutes ces ribambelles de malheur transformé en richesse. Ce mauvais sort qui nous pousse à accepter de vivre quotidiennement dans la crasse et de trouver cela normal.

A cause de l’insalubrité, notre ville produit des millions de moustiques, des rats et des mouches qui finalement sont devenus des habitants de la ville, au même titre que les chrétiens que nous sommes.  Alors, cher Saint Père, pour vous éviter une dose du palu, s’il vous plaît n’oubliez pas d’apporter les anti moustiques.

Alfredo Prince NTUMBA

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