Le drapeau multicolore sera en berne sur toute l’étendue de la République. Nos têtes baissées, nous allons vous pleurer durant 3 jours. Et, après ? Bon, c’est fini ! Nous continuerons notre vie à la normale, enrôlement, élection et nous allons chanter Beee… tout en attendant encore 2 ans pour pleurer ceux que vous avez laissé ici à Kin la belle. Surtout que personne n’est responsable. C’est la pluie qui l’est. Alors sans remords, personne ne pourra répondre à sa place.
Comme nous, ils sont allés au lit, avec l’espoir de nous retrouver le lendemain dans le train-train de vie habituel, quand soudain ils se sont retrouvés dans l’au-delà, indépendamment de leur volonté. Comme par le passé, la ville de Kinshasa a procédé à son devoir régalien de compter les morts. C’est du moins ce qu’une ville au 21ème siècle peut faire. Et pourtant, ce sont des morts de plus que l’on pouvait éviter, si jamais la ville était réellement gouvernée. Car dit-on, gouverner c’est prévoir.
Doit-on se regarder en face et se dire des vérités ? Car, nous avons perdu des êtres proches qui sont nos pères, nos mères, nos frères et nos sœurs. Les 3 jours de deuil national ne suffiront jamais pour cicatriser nos blessures. Dites-moi, Monsieur, qui est responsable de ce énième drame ?
Depuis Washington où il se trouve, le numéro un des congolais pense que ce sont les pays industrialisés qui n’ont financé la construction des égouts, le curage des caniveaux, et autres ouvrages de drainage des eaux de pluie à Kinshasa. Et, le drame est arrivé. Chapeau bas, vive le roi ! vive le changement climatique !
Mais, cher Monsieur, comment expliquer que le changement climatique puisse affecter seulement la ville de Kinshasa, avec un bilan record de 143 morts et plusieurs disparus. Et pourtant, sa ville sœur de Brazzaville qui a également été frappée avec la même fureur n’a enregistré même pas un seul mort ?
« Les pertes en vies humaines et les dégâts matériels observés ne devraient donc pas être immédiatement attribués aux manque de respect des engagements des pays pollueurs, mais plutôt à la manière dont la ville de Kinshasa est gérée en termes d’assainissement et de planification », me chuchote à l’oreille, un expert.
Zut ! C’est la population qui est à la base de ce drame. Les kinois ont construit même sur les caniveaux. Comment expliquer qu’un citoyen lambda se réveille un matin, et construise sur le collecteur, sans en être inquiété ? Tous en chœur … Beeee… ! Alors, peut-on penser que cette mégalopole d’environ 20 millions d’âmes est gouvernée ?
Des édits provinciaux de la ville au décret Tshibala, sur l’interdiction de l’importation, la commercialisation et l’utilisation des emballages plastiques, qu’est ce qui a été fait ? La situation est restée la même. Ces caniveaux et collecteurs bouchés par les déchets plastiques ont-ils déjà préoccupé ceux qui compatissent aujourd’hui, et promettent la prise en charge des obsèques de nos êtres chers ? Est-ce la première fois que ces événements se produisent sur la ville ? Pourquoi on anticipe pas ? Pourquoi on n’y trouve pas de solutions durables ?
Qui aime bien, châtie bien dit-on, pourquoi il n’existe pas de châtiment contre ceux qui dévisagent la ville ? Ceux qui occupent illégalement les emprises publiques ? Ceux qui ne respectent pas les lois de la Républiques ?
Oui, adieu nos héros ! Peut-être que votre sang coulé sous un drapeau en berne pourrait toucher les âmes insouciantes de nos dirigeants, pour sauver les vies de vos enfants, vos maris, vos femmes, vos frères et vos sœurs restés dans le désespoir, ne sachant pas exactement c’est quand leur tour.
Que la terre de vos ancêtres vous soit douce et légère.
Je vous pleure depuis Montréal,
Alfredo Prince NTUMBA
