Près de 13 ans après son implémentation en RDC, le processus de Réduction de la déforestation et de la dégradation des forêts (REDD+), ne cesse de diviser l’opinion. Pour les uns, ce processus lancé en 2009 est un échec. Car, la REDD+ n’est pas parvenue à atteindre son objectif principal, à savoir, la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts. Par ailleurs, durant cette période, l’on a assisté à une importante dégradation du couvert forestier. Pour les autres, le succès de ce processus est mitigé. Il faut que le pays analyse les forces et les faiblesses de ce mécanisme, afin de l’améliorer. C’est le but du diagnostic posé par Claude Boyoo Itaka, assistant d’Enseignement et apprenant en troisième cycle, Relations internationales de l’Université de Kinshasa.
Dans cette étude publiée récemment dans une revue scientifique internationale, l’expert congolais relève que la coordination des acteurs au niveau tant national que local est l’un des grands enjeux qui semble avoir été négligé dans l’exécution de ce processus. Pourtant, il s’est avéré que la réalisation de la REDD+ présuppose une architecture nationale ou une structure de gouvernance qui facilite les actions d’ensemble et produit, en matière d’atténuation du carbone, des résultats effectifs, efficaces et équitables. Malgré l’existence d’une architecture institutionnelle, le déficit de collaboration a caractérisé le processus REDD+ en RDC.
« En effet, en dépit de la convergence de leurs missions, ces organes fonctionnent de façon déconnectée et indépendante avec une parcelle de collaboration qui se développe petit à petit. Bien que leurs attributions soient spécifiques, au nom de la quête de survie et de consolidation de leur existence, considérant la divergence de leurs intérêts, ces structures finissent par s’opposer, voire s’affronter », fait-il remarquer.
La République Démocratique du Congo est l’un des huit pays pilotes du Programme d’Investissement pour la Forêt. C’est dans ce cadre que le gouvernement, à travers le Comité National REDD+ a élaboré son plan d’investissement et l’a soumis au sous-comité du FIP pour évaluation.
Celui-ci constitue un cadre programmatique qui vise la concentration et la canalisation des interventions dans des zones géographiques restreintes situées dans les bassins d’approvisionnement des grandes villes et considérées comme les « points chauds » de déforestation, ainsi que vers des secteurs d’activités permettant de répondre aux causes directes de la déforestation et de générer des réductions d’émissions mesurables et valorisables.
Schéma institutionnel et bilan des réalisations
A en croire l’auteur de cette étude, la mise en place des différents organes de mise en œuvre de la REDD+ a permis, d’une part, la production des outils stratégiques et opérationnels. Il s’agit entre autres de la Stratégie-Cadre Nationale REDD+ adoptée en 2012 et qui constitue un des mécanismes d’appropriation et de contextualisation au niveau national des engagements internationaux de la RDC, relatifs à la REDD+9.
Pour son opérationnalisation, le Gouvernement a élaboré depuis 2013 le Plan d’Investissement REDD+ qui a servi d’outil de plaidoyer diplomatique pour la capitalisation du FONAREDD. Dans ce même ordre d’idées, le Gouvernement a élaboré et soumis à la CCNUCC, en 2018, son Niveau d’Émissions de Référence pour les Forêts pour la réduction des émissions dues à la déforestation (NERF) couvrant la période allant de 2000 à 2014.
A ces initiatives de planification, il faudrait également noter l’adoption de plusieurs textes juridiques déterminant l’architecture institutionnelle de pilotage du processus et fixant la procédure d’homologation des investissements REDD+ en RDC.
Insuffisances institutionnelles
Parmi les insuffisances décelées à travers cette étude, figure notamment la forte influence que connaissent tous les organes de mise en œuvre de la REDD+ en RDC.
« A tort ou à raison, ces bailleurs estiment que la RDC (son administration) ne dispose pas des capacités techniques et fiduciaires pour la gestion de ce processus. D’où le recours intempestif aux consultants, aux agences d’exécution (du système des Nations Unies, des organismes de coopération bilatérale ainsi que les organisations non gouvernementales internationales) et le développement des administrations parallèles ou ad hoc », a-t-il indiqué.
Claude Boyoo a par ailleurs remarqué que ces structures ad ‘hoc et autres unités de projet, dont la durée de vie dépend de la disponibilité des ressources financées par les partenaires techniques et financiers, versent des bons salaires à leurs cadres qui provoquent de graves distorsions dans les structures salariales locales. Ces distorsions induisent un exode des cadres les plus compétents de l’administration vers ces structures et donc affaiblissent l’administration.
Une approche qui ne permet pas de construire de véritables capacités institutionnelles pérennes. « Ceci porte atteinte à l’idéal de la consolidation de l’Etat en ce qu’elle fragilise le processus de management public, en affaiblissant les rouages et les stratégies endogènes de résolution de problèmes et ne favorise donc pas une politique harmonieuse de développement des ressources humaines ni d’impulser réellement le processus de développement », a-t-il déclaré.
Selon ce diagnostic, les structures comme la CN-REDD (de 2009 à 2016), le FONAREDD, les PIREDD et l’Unité de Coordination du Programme d’Investissement Forestier (PIF) sont, à quelques exceptions près, dans cette situation. Sur base des procédures de leurs principaux bailleurs, ils recrutent un personnel, généralement en dehors de l’administration publique, qu’ils rémunèrent bien et dont le contrat de travail dépend de la durée de vie des projets et des financements internationaux. A la fin de chaque projet ou programme, ils sont mis à la porte et se bousculent chez les privés ou dans les ONG internationales ou encore dans les agences de coopération.
Pour faire face aux défis de pilotage de la REDD+ en RDC, l’expert recommande la rationalisation des différentes structures existantes. La révision du décret 09/40 du 26/11/2009 pour garantir l’unicité de coordination et assurer une répartition équilibrée des responsabilités entre les acteurs institutionnels, Intégrer le management de la REDD+ dans les Fonds existants (Fonds Forestier National ou Fonds d’Intervention pour l’Environnement), mettre en place le Conseil National de l’Environnement et Développement Durable tel que prévu par la loi portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement.
S’agissant des initiatives et des partenariats en cours, il invite le gouvernement congolais à évaluer le protocole d’accord entre la RDC et le PNUD portant fournitures des services de gestion et autres services d’appui au Fonds National REDD de la RDC pour éventuellement transférer les compétences administratives et fiduciaires à la partie nationale, une manière d’en assurer l’appropriation technique au niveau national.
En conclusion, Claude Boyoo Itaka invite le gouvernement à limiter le rôle des intermédiaires (les Agences du Système des Nations Unies notamment) dans la gestion des financements et la mise en œuvre des projets pour lesquels le gouvernement est le redevable principal. L’Etat congolais devra diversifier les partenariats internationaux plutôt que de se concentrer à la seule CAFI et renforcer les mécanismes de redevabilité des organisations de mise en œuvre des projets REDD+. Négocier la participation de la RDC avec voix délibérative aux réunions du Conseil d’Administration CAFI et consolider/accélérer les réformes en cours dans les secteurs de l’aménagement du territoire, agricole, foncier et forestier.
« La prise en compte de ces suggestions, dans les meilleurs délais, aiderait le gouvernement à faire face rapidement aux défis de gouvernance du processus REDD+ en RDC », a-t-il conclu.
Alfred NTUMBA
Un commentaire sur “Forêt : Gouvernance institutionnelle de la REDD+ en RDC, Claude Boyoo pose un diagnostic sévère”
L’auteur parfaitement raison. Pour la bonne marché de l’administration publique et le traitement équitable de tous les intervenants, l’Etat Congolais devra harmoniser la rémunération ainsi que tous les autres avantages y afférents. Éviter la discriminations des structures dans leur soumission et signature des contrats. Ce qui évitera la fuite de cerveau de l’administration publique vers les privés particulièrement les OND internationales.