Les tambours ont cessé de retentir, le folklore est clos. Tout est enfin clair. Il n y a rien à attendre de l’Angola en termes de réparation ou compensation. Rien à attendre de l’entreprise Catoka qui est restée muette depuis lors. Au plus haut niveau de la décision, le dossier semble clos, comme le témoigne d’ailleurs le conseiller du chef de l’Etat en charge de l’Environnement, Dieudonné Musibono.
« Normalement, quand il y a un différent comme celui-là, la première chose, c’est de prélever les échantillons, les analyser pour déterminer la nature et la quantité du polluant. La deuxième étape, c’est de comparer la valeur trouvée aux normes nationales. Vous dites au pollueur que vous avez déversé dans nos cours d’eau tel déchet et les valeurs qu’on a enregistrées, sont au delà des valeurs légales, en ce moment ça devient un problème mais si nous n’avons pas une valeur de référence au niveau national, on ne pas utiliser les directives internationales pour incriminer le pollueur« , a-t-il expliqué.
Ce scientifique congolais n’est pas allé par le dos de la cuillère pour démontrer que la RDC n’a pas de chance de se faire dédommager. Car, argument-il, aucune démarche sérieuse n’a jusque-là été entreprise pour appliquer le principe du « Pollueur-payeur » qui consiste à faire supporter les frais résultant des mesures de prévention, de réduction et de la lutte contre la pollution par l’auteur.
A l’en croire, scientifiquement, l’Etat congolais n’est pas en mesure de prouver cette pollution.
« Normalement, quand on veut utiliser les directives internationales, il faut d’abord réunir toutes les parties prenantes au niveau national, on ne peut pas par exemple utiliser les normes de l’Organisation mondiale pour la Santé ( OMS), cela n’aura pas des sens car on n’a pas eu en amont une concertation pour l’appropriation. Voilà pourquoi il est difficile aujourd’hui d’obtenir de l’Angola la compensation appropriée« , a-t-il conclu.
Le vin est tiré, il faut le boire, dit-on, surtout prendre le courage de dire la vérité aux congolais victimes de cette pollution, estime Guy Mafuta, l’élu de Tshikapa. Il a informé qu’une action à la responsabilité civile a été initiée, et plus de 7.879 plaintes ont été récoltées.
Cependant, ce député national regrette la légèreté avec laquelle les autorités congolaises ont géré cette situation.
“Je crois que, ceux qui m’ont suivi ont compris que j’étais très virulent sur la question, je constate une légèreté de la part du gouvernement, parce que jusqu’à ce jour on ne sait pas le nombre exact des personnes qui ont été touchées directement ou indirectement. Quand on parle de 12 morts. Ce sont des morts qu’on a pu ramasser dans les centres de santé connus, mais dans les villages où on a des difficultés d’accès, on ne sait rien« , s’est-il indigné.
Peu avant l’annonce de cette catastrophe par les autorités, les populations riveraines utilisaient ces eaux polluées et consommaient également les poissons qui flottaient sur la surface de la rivière. Ce qui a occasionné 4 502 cas de diarrhée dont douze cas de décès. Un bilan non actualisé jusqu’à ce jour.
Une procédure pour obtenir la réparation
Du côté du ministère de l’Environnement, c’est un silence radio. Depuis le briefing de presse, la vice-premier ministre n’a plus trouvé d’intérêt à revenir sur ce sujet. Contacté, l’un de ses conseillers a indiqué que, “Les dossiers judiciaires prennent beaucoup de temps. Jusqu’aujourd’hui, on juge encore les auteurs de l’holocoste des juifs de 1941 à 1945. Il faut s’armer de patience, lorsqu’un dossier est déjà remis entre les mains des instances judiciaires”, a-t-il indiqué.
Un point de vue qui n’est pas partagé par le député Guy Mafuta, qui s’interroge sur l’existence même de ce dossier judiciaire. Pour lui, l’Etat congolais traîne jusqu’à présent à engager des démarches diplomatiques avec l’Angola, en vue de l’obtention de la réparation des préjudices subis par les populations touchées.
« Pour ma part, j’ai décidé de porter plainte. J’irai au procès le 21 mars 2022 contre l’industrie angolaise qui a pollué nos eaux . Cette pollution qui a causé des morts, des lésions vaginales…, c’est grave. On ne peut pas rester comme ça. C’est pourquoi nous nous sommes organisés avec la population locale pour porter plainte« , a-t-il précisé.
Notons que toutes ces révélations l’ont été lors d’une conférence-débat organisée le samedi 29 janvier, par la coordination estudiantine de l’Université de Kinshasa.
« Ce qui s’est passé dans les rivières Tshikapa et Kasaï était déplorable. La tenue de cette activité ouvrira des voies à la RDC pour une génération des congolais soucieux de la protection et gestion durable des écosystèmes aquatiques”, a déclaré Bertin Mbuya Kilabi, ministre de l’Environnement et développement durable de la coordination estudiantine de l’Unikin.
Rappelons qu’une fuite survenue fin juillet 2021 dans la plus grande mine de diamants d’Angola, Catoca Mining, des suites d’une défaillance technique de son système de canalisation d’eau, avait occasionné la pollution des rivières Kasaï et Tshikapa en République démocratique du Congo.
Silas MUNGINDA