La première lettre d’intention entre la RDC et la CAFI a pris fin depuis décembre 2020. Et les négociations ont tout de suite été engagées pour trouver un nouvel accord entre la RDC et le CAFI, pour dix nouvelles années.
L’instabilité politique au pays avait fait que ces négociations piétinent. Mais, à la veille de la COP26, toute la machine diplomatique a été mise en œuvre pour déclencher le processus de la signature de la LOI (Letter Of Intentions – Lettre d’intentions).
Cependant, il se dégage une disproportion dans ces négociations entre les deux parties. Selon les informations à notre disposition, ces négociations menées à Kinshasa, l’ont été à la va-vite. Car, il faut décrocher un pactole pour la RDC et un accord historique pour la CAFI, cela malgré que la mouture actuelle de la lettre d’intention n’inclut pas des engagements des bailleurs.
Diplomatiquement tout doit marcher à tout prix, car à Glasgow, il faut présenter quelque chose de lourd, même si cela ne bénéficierait pas réellement aux congolais eux-mêmes. L’on a assisté à des assauts diplomatiques à tous les niveaux politiques par les ambassadeurs accrédités à Kinshasa, certains ont même lancé des messages forts à la RDC, l’invitant à stopper son envie de lever le moratoire sur ses forêts.
Des scientifiques et autres acteurs de la société civile n’ont pas été en reste pour mener un véritable lobbying en défaveur de la levée du moratoire. Au regard de tout ceci, il y’a lieu de s’interroger sur la vraie motivation derrière cet empressement ?
Le 11 août 2021, lors de la session ministérielle du Comité de pilotage du FONAREDD (Fonds National REDD), les ministres sectoriels s’étaient accordés à conduire les négociations de manière coordonnée. Au cours de ces assises, la vice-premier ministre, ministre de l’Environnement, Eve Bazaiba Masudi avait exigé une évaluation et un recadrage. Cette déclaration lui avait valu beaucoup de critiques de la part des bailleurs.
Dans une conférence de presse organisée sur la chaîne nationale, Eve Bazaiba est revenue sur son vœu de voir les deux parties évaluer la première lettre d’intention dont l’exécution n’a pas été satisfaisante au regard des objectifs assignés. Cette sortie médiatique avait créé un véritable tollé. Une réunion d’urgence a été convoquée par CAFI, qui avait même menacé à l’interne d’annuler les négociations. A la grande surprise, pendant que Environews RDC qui avait eu l’information à l’informel attendait la grande annonce de CAFI, cette dernière est plutôt revenue sur sa décision. Et décide finalement d’engager des discussions avec la RDC, car semble-t-il rater cette opportunité d’embarquer le plus grand pays forestier du monde après le le Brésil ce serait un gâchis.
La main qui donne est toujours au-dessus de celle qui reçoit dit-on, la volonté de CAFI de ne pas voir évaluer ses engagements contenus dans la première lettre d’intentions a bel bien été faite. Aucune vraie et sincère évaluation sur les forces et faiblesses de la première lettre d’intention n’a alors été faite au cours de négociations de Kinshasa, peut-être ce sera fait après signature de la LOI…
Au cours de ces négociations qui ont vu Bazaiba être by-passée, nos investigations démontrent que la danse a été menée par CAFI, qui a imposé ses choix, ses personnes et son rythme.
Selon un négociateur anonyme, « sur la question de l’énergie par exemple, CAFI ne veut rien entendre. Il est hors de question de mettre beaucoup de moyens financiers dans le développement des énergies renouvelables pour les communautés. CAFI est par contre bien disposé à mettre de l’argent dans l’énergie de cuisson (foyers améliorés, lampes solaires etc.). Comment alors allons-nous réduire la pauvreté ? CAFI s’intéresse seulement à la forêt de la RDC, les congolais et leur avenir importe peu ? », s’est-il interrogé.
FONAREDD mis de côté
Selon nos recherches, aux yeux de CAFI, le Fonds national REDD de la RDC apparaît désormais comme une véritable bête noire qu’il faut à tout prix écraser. Notre source indique par ailleurs que CAFI envisage de mettre en place un autre Fonds pour mieux contourner le FONAREDD.
Cela peut se justifier par le fait que les délégués de ce fonds ont été muselés. A en croire notre source, au cours des négociations de Kinshasa sur la deuxième lettre d’intention, l’équipe du FONAREDD n’avait que les yeux pour regarder. Pas d’interférences dans les discussions bi et multilatérales. Conséquence, la LOI qui sera signée à Glasgow n’engage seulement que la RDC.
Quoi en retour ? Ce sera pour plus tard…
Avec toute l’expérience d’un pays riche avec une population pauvre, la RDC doit-elle continuer à signer des accords comme cela ? Est-ce que le peuple vient vraiment d’abord quand les intérêts de celui-ci se résument au vouloir de CAFI qui souhaite encore allouer beaucoup d’argent dans la planification familiale que dans les vrais moteurs de développement, comme cela l’avait été lors de la première LOI ?
Tenez, plusieurs fois la société civile a levé les boucliers contre les frais de gestion. Eve Bazaiba est revenue sur la répartition des affectations, qui selon elle plus de 60% de fonds ont été alloués au fonctionnement des agences, et qu’à peine 20% de tout le financement de CAFI est arrivé à la base. Quels changements dans ce nouvel accord sur ces différents points ?
Mobiliser mais à quel prix ?
Vraisemblablement, la pression que subit la RDC est pour signer à Glasgow cet accord et mobiliser les financements à la COP26. Alors que les scandales éclatent sur la manipulation des rapports et les engagements faibles des pays développés, la RDC se précipite comme d’habitude à faire un saut dans le néant, au motif de mobiliser de l’argent pour la préservation de ses forêts. L’on se demande si le pays a réellement appris du passé ?
Au demeurant, le projet de la nouvelle lettre d’intentions devrait être inscrit à l’ordre du jour du conseil des ministres de ce vendredi 29 octobre 2021, par le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, allié inconditionnel de CAFI.
Oui ! Politiquement, le ministre a un bilan à défendre à son actif. Décrocher le pactole d’un milliard de dollars américains en moins de huit mois de son mandat à la tête du prestigieux ministère des finances, c’est un franc succès et un record jamais battu par ses prédécesseurs. Mais hélas, à quoi servirait ce succès si « le peuple d’abord », n’y trouve pas son intérêt ?
En voulant soumettre cette LOI à une analyse à la va-vite du conseil des ministres, les ministres auront-ils suffisamment de temps pour lire et revoir ce document qui va engager le pays pour 10 ans ? On parle de 1 Milliards de dollars d’accord. De qui, comment, quand, pour faire quoi ? Où ? Autant de questions qui méritent une réflexion bien mûrie, mais bien dommage que cela risque de ne pas être le cas.
Encore quelques heures, le président de la République sera invité à signer la LOI avec Boris Johnson, premier ministre britannique, quelle sera la contrepartie de la Grande Bretagne ? Espérons que cette nouvelle lettre d’intentions sera pour servir les intérêts de ce grand Congo.
Dossier à suivre…
Alfredo Prince NTUMBA