Aménagement du territoire : Les réformes sectorielles de gestion des terres et des ressources naturelles pouvaient-elles attendre les résultats de la réforme de l’AT ?

L’Aménagement du territoire est considéré comme un ensemble d’actions publiques tendant à un développement des régions et à une organisation de l’espace selon une conception directrice. Il traduit également la volonté de l’État et des collectivités locales à doter un pays d’une organisation spatiale de ses réseaux d’infrastructures et d’équipements.

Pour rappel, en République démocratique du Congo, l’Aménagement du Territoire a connu une période d’incertitude et d’hésitation depuis son accession à l’indépendance, et ce, malgré son immensité territoriale et ses potentialités en ressources naturelles. Mais bien avant cette époque, l’Aménagement du Territoire réalisé ne privilégiait que l’exploitation et la commercialisation des ressources vers la métropole et sans égards à l’endroit du bien être des autochtones ni de la protection de l’environnement (cfr. Document de la politique nationale d’Aménagement du Territoire de la RDC, PNAT, p.6). 

Plusieurs facteurs expliquaient cet état de chose, notamment le fait que, depuis la période coloniale, jusqu’en 2020, la RDC n’avait jamais disposé d’une politique globale d’Aménagement du Territoire, mieux un document qui définit la vision de l’Etat sur la gestion des espaces, susceptible de mettre les politiques sectorielles en cohérence spatiale, physique, technique et institutionnelle.

A cela s’ajoute, l’inexistence d’un cadre légal approprié qui a constitué inexorablement une entrave à l’organisation des espaces de la RDC. Il est donc curieux de constater que, jusqu’à ce jour, la gestion des espaces congolais est règlementée par le Décret du 20 juin 1957 sur l’Urbanisme, dans sa partie relative à l’aménagement du territoire encore en vigueur. Alors que, les législations sectorielles (foncier, mines, forêts, agriculture, énergie, etc.) sont le plus souvent élaborées sans concertation transversale préalable, entrainant ainsi des incohérentes au niveau institutionnel avec plusieurs Ministères sectoriels, qui se voient dotés des compétences éparses et parfois conflictuelles en matière d’affectation des terres.

Il va sans dire que les facteurs ci-haut dénombrés, loin d’être exhaustifs, ont produit vraisemblablement des conséquences telles que, de nombreux conflits dans l’affectation, utilisation et gestion des espaces et des ressources naturelles, sans dénombrer des cas de chevauchements dans l’attribution des titres de l’utilisation du territoire, assez souvent soldés par des conflits inter-ethniques et des procès interminables devant les Cours et Tribunaux.

C’est cela le défis du processus de réforme de l’Aménagement du territoire en cours en RDC, qui a permis jusqu’à présent à ce pays de se doter d’une politique nationale d’Aménagement du territoire, adoptée en Conseil des Ministres depuis le 3 juillet 2020, tente d’y remédier.

De ce fait, l’on serait tenté de se demander qu’en sera-t-il si toutes les réformes évoluent au même moment ? Est-ce que les autres réformes ne devraient-elles pas s’ligner à la réforme de l’Aménagement du territoire en cours ?

Quel risque sur la concomitance entre la réforme de l’Aménagement du Territoire et autres processus de réforme d’affectation des terres et des espaces ?

La réforme de l’Aménagement de Territoire a pour vision de contribuer à faire de la RDC un pays phare, bien aménagé, bien gouverné (bonne gouvernance), … et de développement durable (Brève présentation du processus de la réforme du secteur de l’Aménagement du Territoire in « les actes de l’atelier national » sur la réforme de l’AT en RDC, 2015, p.19).

L’Aménagement du Territoire pris comme un processus visant à assurer, avec ordre et dans le temps, une répartition adéquate de la population, des constructions, tout en tenant compte des contraintes, naturelles et anthropiques (activités de l’homme) à leur établissement. A ce titre, il constitue un cadre fédérateur de toutes les politiques sectorielles. 

En dehors de la réforme de l’aménagement du territoire en cours depuis 2015, plusieurs réformes sectorielles ont été entreprises et d’autres sont en gestation (foncier, forestier, agriculture, etc.), ayant nécessairement des incidences et implications dans l’affectation des terres.

Ces réformes en cours ou en gestion visent notamment à doter la RDC des documents de vision sectorielle dans leurs secteurs sous forme de politique, ou même des cadres juridiques et institutionnels qui pourraient nécessairement avoir une incidence sur l’affectation des terres.

Face à cette situation, et au regard des enjeux liés à la réduction des conflits d’affectation des espaces, l’on se demande si de telles initiatives sont menées de manière isolée ou qu’elles sont menées avec l’implication des orientations données par l’aménagement du territoire sur la gestion des espaces.

Pour ce faire, nous pensons qu’il serait judicieux de sursoir avec toutes autres réformes sectorielles en cours, afin de leur permettre de s’aligner sur les orientations qui seront définies par le Gouvernement à travers la réforme de l’Aménagement du Territoire. Et ce, pour un certain nombre de raisons, notamment la nécessité d’éviter des contradictions des résultats de chaque réforme sectorielle ; éviter au pays le gaspillage des ressources dont financières; permettre au pays de se doter d’une vision prospective commune sur la gestion des terres et des espaces, et réduire ainsi divers conflits d’utilisation des terres constatés çà et là dans le pays.

Une telle option pourrait être levée par le Gouvernement en Conseil des Ministres. Et cela n’exclut guère la nécessité de voir ce gouvernement disponibiliser des moyens conséquents pour faire avancer la réforme de l’Aménagement du Territoire lancée depuis 2015.

Felix Credo LILAKAKO MALIKUKA

Avocat- Expert en droit de l’environnement et des Ressources Naturelles

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