Le Programme intégré REDD Equateur (ou PIREDD Equateur) est un projet financé par le FONAREDD (Fonds national REDD+) et mis en œuvre par la FAO et le WWF. Le REDD+ est la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) due à la déforestation et dégradation des forêts. Le projet vise les moteurs de déforestation et de dégradation des forêts qui comptent pour 15 à 20 % dans les émissions mondiales de GES.
Le projet s’intègre dans la stratégie du programme pays de WWF couvrant le paysage lacs Tumba & Mai Ndombe (qui s’étend sur une bonne partie du grand Equateur et du Mai Ndombe) et axé sur les composantes forêts, agriculture, énergie et gouvernance.
Le PIREDD s’insère dans la continuation d’un projet antérieur visant la gestion durable des écosystèmes forestiers. La zone géographique d’intervention du projet comprend les six secteurs des Elanga, des Ekonda et de Ntomba dans le Territoire de Bikoro, le secteur de Bokatola dans le Territoire d’Ingende, le secteur de Ngiri dans le Territoire de Bomongo et le secteur de Lusakani dans le Territoire de Lukolela comme indiqué sur la carte.
Des six volets du projet PIREDD à savoir la gouvernance, l’administration du territoire, la démographie, la foresterie communautaire, l’agriculture durable et l’énergie bois, le WWF est en charge des trois derniers.
Le projet a démarré en 2020 et met en œuvre des activités afin d’atteindre les objectifs fixés pour les quatre ans de sa durée, selon Laurent Nsenga, chef de projet adjoint et responsable WWF du paysage lacs Tumba &Mai Ndombe. Au terme d’une année de mise en œuvre, un certain nombre de résultats a été atteint sur le plan des trois composantes.
Foresterie communautaire
Micro entreprises forestières
Exploiter les produits forestiers non ligneux au travers de la micro entreprise
En février 2018, 14 communautés du Territoire de Bikoro dans la Province de l’Equateur obtenaient des titres de concessions forestières de communautés locales (CFCL) avec l’appui technique du WWF.
A travers les CFCL, telles qu’organisées par le Code forestier congolais de 2002, les communautés locales sont reconnues comme des parties prenantes actives dans la gestion durable des forêts. Ces concessions offrent aux communautés une sécurité juridique renforcée et une plus grande capacité à décider elles-mêmes de la gestion et de l’exploitation de leurs forêts.
Obtenir des titres est certes une avancée significative mais ce n’est qu’une première étape dans le processus de gestion durable de ces forêts. Après l’obtention des titres, les communautés procèdent à un inventaire des ressources présentes et élaborent un plan simple de gestion qui oriente la future exploitation de ces espaces.
En attendant la finalisation des inventaires, les enquêtes socioéconomiques effectués auprès des communautés de Bikoro ont révélé le potentiel de leurs forêts pour l’exploitation des produits forestiers non ligneux (PFNL), en d’autres termes les produits forestiers autres que le bois).
Dans ses axes d’interventions, le PIREDD Equateur assiste les paysans à organiser l’exploitation de ces PFNL sous forme de microentreprises forestières.
Une analyse préalable du marché a été réalisée qui a permis de faire le choix de 6 activités basées sur des PFNL présentant un potentiel certain pour l’augmentation du revenu des populations :
Il existe des dizaines d’autres produits forestiers non ligneux tels que la pomme de cajou, les noix de cola ou les fougères comestibles mais dont le potentiel commercial a été estimé moins important.
- La cueillette et commercialisation des feuilles de marantacées utilisées traditionnellement pour l’emballage alimentaire
- La coupe de la paille/chaume pour les toitures des maisons
- La fabrication de nattes
- La fabrication des balais
- La cueillette et commercialisation de mfumbwa (Gnetum africanum), plante alimentaire sauvage consommée comme un légume très prisé surtout dans l’ouest et le centre de la RDC (près de la moitié de la population congolaise consomme le mfumbwa).
L’exploitation des PFNL est moins destructrice pour la forêt. Elle se fait en même temps que les activités agricoles classiques et procure au paysan un revenu d’appoint non négligeable.
Si les paysans ont toujours récolté et confectionné des objets du quotidien avec ces produits, ce qui leur manquait c’était bien souvent une réelle vision entrepreneuriale des activités.
Le projet a commencé par fournir de l’appui conseil suivi de l’élaboration de plans de développement des microentreprises et la fourniture de petits appuis en matériel tel que vélo, machettes, bassins etc. selon le domaine de l’entreprise. Soixante et une microentreprises forestières ont ainsi vu le jour.
Comme dans beaucoup de milieux ruraux en RDC, l’évacuation des denrées agricoles souffre des difficultés importantes de transport. Avec la dégradation continue de l’état des routes, le vélo est le moyen de transport le plus utilisé par les paysans en RDC pour l’acheminement de leur production vers les marchés. Le projet fournit des vélos que les membres des entreprises utilisent en rotations.
Les associations villageoises d’épargne et de crédit
Des chikwangues améliorées aux associations d’épargne
En ville comme à la campagne, disposer de mécanismes d’épargne sûrs et fiables est une nécessité vitale. A l’épargne il faut également ajouter les possibilités d’effectuer des emprunts pour faire face aux dépenses imprévues comme les soins médicaux dans le foyer.
De la préparation de la chikwangue – traditionnellement le manioc est récolté et roui (trempé) dans une mare (eau stagnante) le long d’une source d’eau. La chikwangue améliorée est produite en rouissant le manioc frais dans de l’eau propre (dans un bassin ou fut en plastique) après l’avoir pelé (le manioc) au préalable. Le rouissage permet une fermentation du manioc s’accompagnant d’un ramollissement et de détoxification des tubercules du cyanure qu’ils contiennent. Le manioc roui est ensuite broyé pour constituer une pate dont on se débarrasse de racines. La pâte est essorée, cuite à la vapeur et ensuite enroulée en forme de bâtons enveloppés dans des feuilles de bananiers ou de marantacées avant consommation ou acheminement vers le marché. Le processus traditionnel a le désavantage d’être peu hygiénique et de décolorer la chikwangue produite qui a une couleur sombre, peu appétissante. La chikwangue améliorée a une couleur claire et les femmes affirment la vendre 2 fois plus chère que la chikwangue traditionnelle.
Depuis quelques années, le WWF avait initié plusieurs groupes de femmes du Territoire de Bikoro à la production de chikwangues dites améliorées. La chikwangue est une des formes de préparation du manioc qui constitue la base de l’alimentation d’une part importante de la population de la RDC. La chikwangue est prisée sur une bonne partie du territoire national.
L’innovation apportée et enseignée aux femmes de la région améliore non seulement le goût et l’aspect visuel du produit mais aussi sa conservation.
La chikwangue est un aliment de choix lorsqu’on voyage par exemple et donc une plus longue durée de conservation est un atout significatif.
La nouvelle chikwangue a ainsi connu un réel succès pour les femmes qui la produisent leur apportant un complément de revenu fort bienvenu.
Le PIREDD a porté l’expérience positive sur un autre terrain avec la création d’associations villageoises d’épargne et de crédit (AVEC). Les mamans productrices de chikwangues améliorées sont en effet au centre du lancement de ces AVEC même si ces associations ne sont pas destinées à elles seules et sont donc vouées à s’étendre.
Les épargnants mettent leur argent dans une caisse dont la gestion administrative se fait avec rigueur. Ainsi au village Ilanga, les clefs de la caisse sont gardées par des personnes différentes dans deux endroits différents.
A la fin de l’année, les épargnants ont la possibilité de récupérer leurs économies. Les membres de l’association ont également la possibilité d’effectuer des emprunts dont le bien-fondé est évalué et les modalités de remboursement fixées par l’équipe en charge de l’association.
Les femmes interrogées expriment leur satisfaction et soulignent particulièrement que le fonctionnement de ces associations d’épargne pendant le premier exercice (qui s’est déroulé en fait d’août à décembre) s’est déroulé sans aucune difficulté ni conflit de quelques sorte. Les femmes se sont toutes lancées avec entrain dans le deuxième exercice débuté en janvier 2021 et qui se terminera en décembre.
Maman Mboyo Philo du village Ilanga raconte comment lorsqu’elle reçut de son fils, élève à Mbandaka, un message lui annonçant qu’il risquait d’être expulsé des cours pour cause de retard dans le paiement des frais scolaires. Elle contacta donc la présidente de la caisse du village. Un prêt lui fût donc accordé qui lui permit de régler les frais et qu’elle a achevé de rembourser.
Commencés par les femmes, les 15 AVEC intéressent désormais aussi les hommes. L’exercice en cours a commencé en janvier et se terminera en décembre.
Mises en défens
Soustraire les savanes aux feux de brousse pour les régénérer en forêts
Les savanes sont un type de végétation que l’on rencontre un peu partout en RDC. Elles constituent le second type d’écosystème après les forêts denses et sont pour la plupart le résultat de phénomènes climatiques développés pendant des dizaines de milliers d’années. On peut retrouver des savanes dans des zones où la végétation prédominante est la forêt.
Il existe cependant des savanes qui doivent leur existence ou leur persistance à l‘action de l’homme, le principal facteur étant les feux de brousse allumés dans le cadre de l’agriculture itinérante sur brûlis. C’est généralement ce type de savane qui peut faire l’objet d’action visant leur régénération naturelle.
Le processus de régénération naturelle qui, à terme, a pour effet l’augmentation du couvert forestier est réalisé grâce à des mesures de protection: on soustrait pour un temps les savanes à toute exploitation et aux effets destructeurs des feux de brousse. C’est ce qu’on appelle en termes techniques la mise en défens.
Soustraire ainsi ces zones à l’action du feu a donc pour effet de contribuer à la réduction des émissions en provenance de la déforestation et de la dégradation des forêts, l’un des objectifs du PIREDD Equateur (et du REDD+).
Dans le secteur de Lusakani, des mises en défens sont réalisées avec [7] villages regroupés en comités locaux de développement (CLD). Les savanes concernées sont des savanes arbustives car toutes les savanes ne se prêtent pas à cet exercice. La mise en défens aura pour effet de consolider les ilots forestiers présents et provoquer au bout de quelques années une colonisation de la savane par la forêt.
Pour y arriver, il faut établir des coupes feux, c’est-à-dire des bandes débroussaillées larges de quelques mètres courant le long de la zone à protéger et procéder à une surveillance rigoureuse de ces savanes.
La surveillance est assurée par la communauté tout entière. Les feux de brousse sont le résultat d’habitudes multi séculaires mais sont quelquefois aussi allumés par des personnes malveillantes.
Les CLD ainsi que les ayants droits coutumiers signent avec le projet un contrat par lequel ils s’engagent à contribuer à la protection des savanes en vue d’augmenter le couvert forestier. Ceci est fait conformément au plan d’affectation des terres de terroirs (cartographie participative) développée préalablement par le CLD avec l’appui technique du projet.
Les communautés bénéficient par ailleurs de paiements pour services environnementaux (PSE) à raison de 5 dollars par hectare effectivement protégée du feu. Une fois la quotité revenant aux ayants droits fonciers perçue par ces derniers, l’argent payé est affecté à la réalisation d’infrastructures d’intérêt communautaire.
Robert Nkamba Bokunga est le président du CLD du village Nsongo. Robert explique que son CLD s’est engagé à la protection de 649 hectares de savanes identifiées dans le terroir. Il explique « nous attendons de cette opération de mise en défens que cette savane redevienne une forêt. Un des avantages est que nous n’aurons plus à nous rendre trop loin du village pour faire nos champs ».
La valeur totale du PSE est de 649 x 5 USD, soit 3 245 dollars américains. Robert Nkamba souligne aussi sa gratitude : « c’est la première fois qu’une ONG nous octroie une telle somme. Nous sommes reconnaissants envers le WWF et nous tenons à ce que cette initiative de transformation de la savane soit couronnée de succès ».
La régénération a pour effet d’augmenter la fertilité du sol. La population finit par comprendre qu’elle n’a pas besoin d’allumer des feux de brousse et qu’elle peut pratiquer un autre type d’agriculture.
Sur les 3 245 dollars reçus aux titres de PSE, après le retrait de la quotité revenant aux ayants droits fonciers, le village a décidé d’affecter les 2 433 dollars restants à la réhabilitation du centre de santé et à la construction d’une pharmacie.
Le village d’Ilinga est le seul village dans le Territoire de Lusakani qui a obtenu un titre de concession forestière des communautés locales (CFCL). Le CLD a élaboré un plan de gestion pour les 3 393 hectares de sa forêt.
La communauté d’Ilanga s’est rendu compte qu’elle pouvait également mettre en défens 92 hectares de savanes. Gustave Embele, président du CLD explique que les 460 dollars reçus comme PSE pour cette première année (après retrait de la quotité prévue pour les ayants droits) seront affectés à la réhabilitation d’un bâtiment de l’école du village.
Dans ces contrées très isolées, de telles infrastructures communautaires sont d’une importance cruciale pour les populations et les PSE réalisent une partie du lien indispensable entre conservation et amélioration des conditions de vie.
- Agriculture durable
Le volet Agriculture durable du PIREDD comporte les trois grandes activités ci-après :
- Le renforcement des capacités des agronomes de secteurs et des communautés locales dans la mise en place de parc bois et de parcelles semencières
- La promotion des itinéraires techniques pour une agriculture durable et de conservation au niveau des terroirs villageois
- L’appui au développement des filières des cultures vivrières et de rente
En ce qui concerne le renforcement des capacités des agents de l’Agriculture, on peut noter qu’au terme de l’année 2020, 46 agents ont bénéficié de formations théoriques sur les cultures vivrières et pérennes couplées à des formations pratiques sur l’aménagement des champs de démonstration de boutures de manioc.
Par ailleurs les 5 agronomes du secteur des Elanga ont bénéficié de remises de vélos ; d’ici la fin du mois d’avril 2021 les agronomes des autres secteurs recevront aussi leurs vélos.
La promotion des techniques pour une agriculture durable et de conservation dans les terroirs villageois ainsi que dans les zones de développement rural des concessions forestières aménagées a permis la collecte des données de base auprès de 267 candidats potentiels fermiers pilotes.
L’objectif visé est d’atteindre la cible d’au moins 100 fermiers pilotes avec qui des contrats sous PSE (Paiements pour services environnementaux) doivent être signés, pour les inciter à la sédentarisation agricole en zone de savanes et de jachères.
Dans le cadre de l’appui au développement des filières des cultures vivrières et de rente, le projet a effectué la collecte des données de base auprès de 936 planteurs permettant l’établissement et la réhabilitation d’au moins 1000 ha de plantation de variétés améliorées de cultures de rente (cacaoyer, palmier à huile, caféier).
Pour contribuer à la réalisation de cette ambition une pépinière de 10500 plants de palmier à huile améliorés a été installée à Nkalamba, l’une des bases du projet (Territoire de Bikoro).
- Energie bois
Foyers améliorés
Le bois énergie a été identifié comme une des principales causes de la déforestation et de la dégradation des forêts en RDC. La carbonisation (c’est-à-dire la fabrication de charbon de bois) à elle seule vient en troisième position parmi les principales causes de la déforestation et dégradation des forêts dans la nouvelle Province de l’Equateur.
A la suite des études réalisées par le WWF sur la consommation du bois énergie et l’utilisation des foyers culinaires à Mbandaka et ses environs, il ressort que la quasi-totalité des ménages qui utilisent aujourd’hui les foyers traditionnels sont disposés à effectuer la transition vers l’utilisation des foyers améliorés en raison des avantages qu’ils procurent, à savoir l’économie de charbon de bois (qui va jusqu’à 50%), le confort d’utilisation et la rapidité de la cuisson des aliments.
Les foyers culinaires améliorés sont des braseros utilisés pour la cuisine qui ont pour caractéristique principale la réduction sensible de la consommation du combustible charbon de bois (communément appelé également « braises » en RDC) ; ce qui représente un double avantage tant du point de vue de l’économie domestique que celui de la conservation des ressources naturelles.
Le WWF vise ainsi à vulgariser et à promouvoir les foyers améliorés en suscitant leur adoption progressive auprès des ménages de la ville. Un premier lot de 1250 foyers améliorés produit par des artisans formés par le WWF dans les villages des alentours de Mbandaka est prêt pour la vente à partir de mars 2021.
Formation à la carbonisation améliorée
La formation à la carbonisation améliorée que le projet a initiée dans les zones les plus touchées par la déforestation due à la production du charbon de bois n’est pas seulement une amélioration des meules traditionnelles.
Un ensemble de techniques ont été développées combinant la forme géométrique des meules, la disposition du bois en couches selon le diamètre, l’utilisation de cheminées avec évents métalliques et surtout le recours au bois de récupération abattu ans les champs agricoles.
Le succès de cette méthode qui a convaincu les 30 charbonniers qui ont plaidé pour qu’elle soit vulgarisée dans tous les autres sites de production de charbon de bois réside dans le fait que les charbonniers utilisent le bois sec qu’ils récupèrent dans les champs.
Ils ont constaté par eux-mêmes que la cheminée et les évents métalliques font réduire de moitié la durée de la carbonisation. Au défournement ils ont conditionné plus de sacs que prévus, le rendement étant meilleur avec un taux nul de bois non cuit. Si les charbonniers sont dans l’ensemble satisfaits, le coût de revient du matériel reste néanmoins une préoccupation pour eux.
Cellcom WWF-RDC