La dernière épidémie d’Ebola qui sévit depuis quelques mois dans la province du Nord Kivu semble être une épine dans les pieds du personnel de la santé et du gouvernement censés apporter la riposte. Ceci, du fait que cette énième épidémie de ce virus intrusif se localise dans une zone considérée comme le ventre mou de la RDC, en raison de l’insécurité qui y règne depuis plus d’une décennie.
Toutes les langues s’accordent pour dire que le réveil du virus Ebola en RDC est particulièrement inquiétant. Car cette fois, le virus frappe dans l’est du pays, près de la ville de Beni dans le nord Kivu. Or la région est au cœur d’un conflit qui oppose l’armée régulière à des rebelles. Pas plus tard que le 24 août 2018, des combats ont eu lieu au nord de la ville.
L’armée congolaise les nomme «inciviques». Selon le Groupe d’étude sur le Congo (GEC), leurs attaques ont fait 500 morts dans la région. Ces groupes armés, quels qu’ils soient, sévissent depuis octobre 2014 dans la région de Beni. On ne connait pas trop bien leur origine. Le gouvernement congolais a déclaré publiquement que les exactions survenues dans la région étaient l’œuvre de rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF). Mais selon le GEC, les ADF ne sont pas les seuls en cause. Même l’armée régulière s’en prend aux civils.
Et c’est dans ce contexte qu’est apparu le virus Ebola dans la région de Beni. Jusqu’à présent, il y avait eu qu’un cas confirmé et un cas présumé. Au 31 juillet, il y avait 25 cas de fièvre notifiés sans confirmer qu’il s’agissait bien d’Ebola.
Mais depuis, les choses se sont accélérées. Médecins sans frontières (MSF), dans un dernier bilan, annonce désormais 63 décès et 103 personnes touchées. «Actuellement, nous avons 26 patients hospitalisés dans le centre que nous avons mis en place», précise Gwenola Seroux pour MSF.
La maladie fait peur aux familles, mais aussi au personnel soignant. Les patients préfèrent rester chez eux, ce qui ne favorise pas la lutte contre sa propagation. Jusqu’à présent, la région du nord Kivu n’avait pas eu affaire avec Ebola. Une certaine ignorance qui ne facilite pas les bons réflexes.
Mais ce qui inquiète le plus les observateurs est la présence de groupes armés dans une région très instable. Les populations ont déjà fui la zone par milliers. Elles n’hésitent pas à bouger pour se protéger des combats. Cela peut entraîner par voie de conséquences une vaste dissémination du virus qui pourrait atteindre les pays voisins.
Certains malades sont isolés, et en raison de la situation sécuritaire, les équipes soignantes ne peuvent pas les rejoindre. Selon le ministère de la Santé congolais, il y aurait une vingtaine de personnes dans ce cas, mais elles ne seraient pas livrées à elle-même. «Pour les contacts restés en zone rouge, les infirmiers titulaires du centre de santé sur place travaillent avec les relais communautaires pour assurer leur suivi et transmettent les données chaque jour à la coordination par téléphone », dit le ministère de la Santé qui ne précise par l’endroit exact.
Thierry-Paul KALONJI