L’approvisionnement en eau est pour le moins que l’on puisse dire, un casse-tête pour plusieurs quartiers de la ville de Kinshasa, et en particulier pour le quartier Kinsuka pêcheurs. Tard dans la soirée ou tôt le matin, vous apercevez des jeunes garçons et filles, et des mamans, avec des bidons de 25 litres à la main ou dans une brouette, à la recherche de l’eau devenue une denrée rare.
Pour ceux qui ont des véhicules, c’est le chauffeur qui se charge de l’approvisionnement en eau, ou alors c’est le monsieur ou madame qui prend le soin de ramener de l’eau à son retour du service.
Pour Clarissse, habitante du quartier depuis près de 10 ans, « le robinet ne coule plus voici bientôt 3 ans. Pour prendre soin de mon ménage, je dois me réveiller à 4h ou me coucher tard pour chercher de l’eau à Topoke (un petit marché du quartier) . Comme je ne sais pas y arriver toute seule, les frères de l’église m’accompagnent et parfois, même mon mari qui est pasteur porte des bidons de 5 litres en main, à certaines heures du soir pour éventuellement ramener de l’eau à boire».
Ce quartier situé pourtant au bord du fleuve Congo, n’a pas une unité de traitement d’eau. Selon la société qui distribue de l’eau à Kinshasa, (REGIDESO), l’operationnalisation de la nouvelle unité de captage directement à partir du fleuve à la hauteur de l’hôpital de la rive à Kinsuka dans le cadre d’un projet financé par des bailleurs, viendra renforcer la production actuelle et améliorer la desserte en eau.
Même si ce projet dont la fin des travaux était annoncée pour 2018-2019, n’est pas destiné à alimenter Kinsuka, c’ est l’effet multiplicateur avec la nouvelle station qui renforcera la desserte et par ricochet profitera aussi au quartier Kinsuka Pêcheurs notamment dans ses parties où le déficit est criant.
Ce dicton « Makulu mu mayi uko naliya hamu » (Ndlr, les pieds dans l’eau, vous vous plaignez d’avoir soif), résume la situation de ce quartier et de biens d’autres à Kinshasa, une ville construite le long du majestueux fleuve Congo et serpentee par des cours d’eau.
Mais cette carence en eau potable ne pose aucun problème à certains cadres institutionnels, des entreprises ou des églises, qui achètent et construisent des véritables paradis immobiliers dans ce quartier, attirés par la fraîcheur et la vue panoramique sur le fleuve.
Dedie est laborantine dans une infrastructure médicale universitaire. Deux ou trois fois par semaine, elle sort ses bidons pour s’approvisionner chez un voisin qui a creusé un puits d’eau pour des besoins domestiques. « Je le fais malgré moi. On est ridicule parfois lorsqu’ on vous tient des propos irrévérencieux. Mais on a pas un autre choix. Souvent j’arrive fatiguée et en retard au service parce que je devais chercher de l’eau», s’indigne-t-elle.
Profitant du sol marécageux du quartier, les habitants qui le peuvent, amenagent des puits. A défaut de l’eau de pluie, c’est cette eau de puits qui soulagent la plupart des menages. Et parce que nous parlons de la pluie, au delà d’être une source d’approvisionnement en eau, elle amène aussi son lot de désagréments.
Les eaux rejetées par les toitures stagnent dans les rues à défaut des canalisations. A telle enseigne que l’accès à une bonne partie de ce quartier est quasi impossible sauf en 4X4. Selon la loi, les constructions en dur devraient être érigées à 50 m de la rive du fleuve pour éviter ces cas d’innondations. Mais à ce jour, on bâtit même sur les rochers, à l’ intérieur du lit du fleuve.
Francois Mukandila