L’Union européenne a présenté récemment «Au delà des éléphants, une approche stratégique de l’Union européenne pour la préservation de la biodiversité en Afrique ». Environews RDC, a tendu son micro à Monsieur Romain Calaque, expert en charge de la facilitation des initiatives de l’Union européenne dans la conservation de la nature en Afrique centrale.
Romain parle de l’apport et de l’engagement de son Institution, du partenariat et du volume d’activités déployées en Rdc. L’entretien a eu lieu dans les locaux de la délégation de l’Union européenne à Kinshasa – Gombe.
Environews RDC (ENV) : Romain Calaque, vous avez présenté l’approche stratégique de l’Union européenne pour la conservation de la nature en Afrique. Vous l’avez intitulé « Au-delà des éléphants », pourquoi cette appellation ?
Romain Calaque (R.C) : Il y a deux raisons qui expliquent cela. La raison constitutionnelle et historique. Historiquement parce que cet exercice stratégique a débuté au moment de la grande crise des éléphants en Afrique Centrale, et leur massacre dans les aires protégées au Nord du Cameroun. Le monde entier quasiment, s’est inquiété pour l’avenir des éléphants de la sous-région et on a presque oublié tout le reste.
L’Union européenne travaille depuis longtemps dans le secteur de la protection de la nature en Afrique centrale et prend en compte cette crise.
Constitutionnellement, le concept relève du fait que les éléphants sont une sorte d’ambassadeur. Ils représentent donc beaucoup des sujets qui tourne autour de la biodiversité. Ce concept est un moyen de démarrer par les éléphants et ensuite aller au-delà.
ENV : Et qu’en fait l’Union européenne ?
RC : L’Union européenne travaille depuis longtemps dans le secteur de la protection de la nature en Afrique centrale, et prend en compte cette crise. Ensuite elle fait tous les efforts nécessaires pour y répondre mais, en même temps ne pas abandonner toute autre activité financée en amont. Le concept relève du fait que les éléphants sont une sorte d’ambassadeur. Ils représentent donc beaucoup des sujets qui tournent autour de la biodiversité. Ce concept est un moyen de démarrer par les éléphants et ensuite aller au-delà.
ENV. : De manière succincte, en quoi consiste cette stratégie ?
R.C. : Il s’agissait ici de décréter une urgence et conserver une stratégie à long terme, d’où l’intérêt de travailler sur une orientation stratégique à une échelle très vaste dans toute l’Afrique qui s’est déclinée dans la sous-région, Afrique centrale, australe et orientale. Il était important d’avoir un document de référence, un guide qui permettrait aux agents de l’union européenne de s’en référer.
ENV.: L’approche stratégique propose que des efforts soient conjugués pour favoriser les engagements à longue durée dans les aires protégées. Cependant, certains experts pensent que le modèle de gestion aujourd’hui en vogue, le Partenariat Public-Privé (PPP), exécuté notamment dans certaines aires protégées de la RDC, renferme les germes du néo-colonialisme. Y avez-vous pensé ?
R.C. : C’est un débat qui agite le secteur, il y a plus d’une dizaine d’années. Le Réseau des aires protégées d’Afrique centrale (RAPAC), a organisé en 2007 des débats sur les différentes modalités de gestion des aires protégées en Afrique Centrale.
A l’époque, la RDC était un pays pilote. On avait commencé dans le Virunga, et l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) s’est rendu compte dans le contexte très particulier que c’était une solution efficace pour éviter le pire, et l’Union européenne était le principal partenaire financier des délégations de gestion.
Aujourd’hui on peut dire du point de vue résultat que la faune a été préservée, la plupart des délégations se sont révélées comme un engagement efficace. Quid de la question politique ? S’agit –il du néo-colonialisme ou de l’abandon de souveraineté ?
Ce n’est pas seulement cette modalité de gestion des aires protégées que l’on peut taxer de néocolonial. Ça fait des décennies que la conservation de la biodiversité est traitée de néocoloniale parce que financée et gérée techniquement par les occidentaux, les européens en particulier. Cette question de la puissance coloniale déborde largement la simple délégation de gestion.
Cette question n’a pas été résolue. D’une part on a constaté que les délégations génèrent un problème de frictions, de tensions, donc il a fallu au fil des années identifier ces tensions, les prendre compte et y répondre.
ENV. : L’Union européenne entend injecter 50 % de ses financements dans le développement humain au tour des aires protégées. Quelles sont les astuces que vous comptez mettre en place pour booster ce développement ? Et après combien de temps faudra-t-il pour palper du doigt les retombées de ces investissements ?
RC : Dans le cas de la RDC, le processus stratégique global a débuté il y a 4 ans, le processus d’adaptation de mise en œuvre pour le pays a commencé il y a 2 ans et donc le contrat de subvention sur la modalité adaptée par l’Union européenne vient juste d’être signer.
A priori, de manière étatique, l’Union européenne est d’accord sur un système de suivis de ses projets. Il faut souligner que c’est le gros des investissements de toute l’Afrique, en RDC avec 120 millions d’euros, suivi du Tchad. La RDC et son partenaire ont voulu mettre la barre très haute pour que les territoires très conséquents soient-ils en terme d’argent, de population humaine et de biodiversité, soient appuyés avec un système de suivi et évaluation qui est également très ambitieux. Les premiers résultats seront évalués d’ici un à deux ans.
ENV. : L’Union européenne investit beaucoup en RDC, surtout dans le domaine de la conservation avec le 11ème FED. Quelle lecture faites-vous de différents projets ? En êtes-vous satisfait ?
RC : D’une part il faut dire que c’est une grosse somme d’argent, un volume assez important, c’est un de plus anciens partenariats et donc, on a une possibilité de lire ça dans le temps de manière assez exceptionnelle. Beaucoup de pays n’ont que 10 ans d’expérience avec l’Union européenne, en ce qui concerne la RDC, c’est 30 ans d’expérience.
C’est vraiment une lecture qui peut faire longtemps. On n’a pas enraillé la 6ème extinction en cours au pays. Mais on se bat pour augmenter les moyens engagés dans cette lutte. Disons que la crise est là, et on n’a pas réussi à enrailler les courses du déclin.
ENV. : Pas plus tard qu’il y a quelques jours, les éléphants en divagation ont détruit des champs et tué 1 femme dans le Katanga. L’ICCN tente de ramener ces pachydermes dans le parc, mais il est confronté à d’énormes difficultés financières. L’Union européenne ne peut-elle pas intervenir urgemment dans cette cause ?
RC : C’est un sujet de conflit homme-faune en générale, et homme – éléphant en particulier. On retombe sur « Au-delà des éléphants », parce qu’il existe des conflits faune de manière globale.
Ces conflits sont les résultantes de la perturbation des écosystèmes. Ils apparaissent comme de plus en plus problématique alors même que le nombre d’éléphants continue de décroitre et dans ce cas spécifique du Katanga, on a beaucoup moins de pachydermes qu’il y a 20 ou 30 ans, pourtant ces conflits deviennent de plus en plus en alerte parce qu’ils sont plus une cristallisation d’une dégradation globale des conditions de la biodiversité et des conditions des habitats. C’est plus une conséquence pour nous qu’une cause et il faut comprendre qu’on a les mêmes problèmes dans les régions riches.
ENV. : L’UE investit beaucoup en Afrique centrale dans le domaine de la conservation pour favoriser l’intégration sous régionale, comme cela a été avec son histoire. Y a t-il du répondant en face ?
RC : C’est un grand succès. Je pense que l’action de l’UE en Afrique centrale est au niveau régional. Il faut comprendre que quand vous comparez la situation de l’Afrique centrale avec les gens qui y vivent, ils ne se rendent pas compte parce qu’ils voyagent dans la sous-région, mais ils n’ont toujours pas l’occasion d’aller voir ailleurs. Il faut mesurer qu’aujourd’hui, pratiquement les ¾ des conservateurs des aires protégées ont des relations régulières parfois amicales avec leurs collègues des autres pays. C’est qui n’est pas le cas avec d’autres secteurs. Aucune fois on a vue de réunir les ministres de la santé d’Afrique centrale. Mais par année, les ministres en charge de l’environnement et forêt de la sous-région se réunissent presque deux fois pour parler forêt et environnement.
Je reste convaincu que comme l’agriculture la été pour l’Union européenne, le secteur des forêts reste l’unique qui favorisera l’intégration de la sous région.
Vous pouvez suivre l’intégralité de cette interview vidés sur nos chaines partenaires et très prochainement sur notre site.
Interview réalisée par Jennifer LABARRE