Afrique Centrale : L’intégration environnementale pourrait favoriser l’intégration économique et politique

Le bassin du Congo est la deuxième forêt tropicale de la planète après l’Amazonie. Elle a une superficie de 250 millions d’hectares dont 57% en RDC et 10% en République du Congo. Il est classé comme forêt primaire. Partagé par 12 pays de la sous – région, il recèle d’immenses potentialités, ainsi que le massif forestier considéré comme le second poumon de la planète.

Le secteur forestier offre environ 100 000 emplois formels. La gestion de ces massifs forestiers, et la coopération inter Etats qui en découle, offre aujourd’hui des opportunités susceptibles de favoriser l’intégration de l’Afrique Centrale.

Composé d’espèces indigènes, où des traces d’activités humaines sont légèrement visibles, le Bassin du Congo est le patrimoine commun de la sous–région qui reçoit un soutien inconditionnel de tous les Etats d’Afrique centrale à travers le plan de convergence de la Commission des forêts d’Afrique centrale (COMIFAC).

Au regard des avancées significatives remarquées dans l’application des politiques communes visant la gestion durables des forêts du Bassin du Congo, tout porte à croire que le secteur des forêts ouvre un nouvel horizon à une véritable intégration politique et économique de l’Afrique Centrale, contrairement aux ambitions dévolues aux institutions spécialisées ayant reçu mandat d’assurer l’intégration de la sous–région. Il s’agit de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC), et la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC) dont le bilan respectif est jugé négatif.

L’échec de l’intégration de l’Afrique Centrale

ceeac-one10 ans après l’entrée en vigueur du traité de la CEMAC et l’adoption du programme de relance de la CEEAC, une revue desdits programmes montre dans l’ensemble des évolutions contrastées, et des résultats pour l’instant en deçà des attentes formulées.

Une étude menée conjointement par le cabinet McKinsey, la Commission économique de nations unies pour l’Afrique (CEA) et la Banque Africaine du Développement (BAD), confirme cette position. L’étude publiée en octobre 2013, sur le site web de la CEA a révélé que : « l’espace « Afrique centrale » reste l’un des moins intégrés du Continent, en termes de flux commerciaux inter–Etats, de mouvement de personnes et d’interconnexion des infrastructures physiques. Ce qui constitue un handicap majeur pour entreprendre avec succès des projets intégrateurs mutuellement profitables. « 

Plusieurs raisons seraient à la base de cette situation notamment, le nationalisme juridique qui fait en sorte que malgré la signature des traités entre les Etats, les textes internes de chaque pays expriment plutôt le repli identitaire. A cette difficulté vient s’ajouter le manque d’intérêt de certains pays membres à participer aux efforts d’intégration et d’exclusion économique qui vient du fait que les Etats économiquement fort veulent imposer un certain nombre de choses au détriment de l’intérêt général de la sous-région.

Des facteurs qui rendent de plus en plus faibles les différentes institutions d’intégration, restées un creux et chimérique slogan dans les discours des dirigeants.

Le secteur de forêts, un véritable moteur d’intégration

Omer Ntougou, Secrétaire exécutif du Rapc, lors de la présentation du Chèques services
Omer Ntougou, Secrétaire exécutif du Rapc, lors de la conférence de presse à Kigali/ Rwanda


Il est sans nul doute démontré aujourd’hui que les forêts du bassin du Congo, constituent une opportunité susceptible de converger vers une véritable intégration de l’Afrique centrale. De l’avis du Secrétaire exécutif du Réseau des aires protégées d’Afrique centrale (RAPAC), Omer Ntougou, les forêts du bassin du Congo n’ont pas de frontières physiques. « Chez nous, quand on parle protection, population, on ne voit plus nos petites frontières. Nous voyons plutôt ça au niveau de la sous–région. Parce que c’est la même forêt, et les mêmes acteurs qui y circulent. Si nos dirigeants veulent donner un nouveau souffle à l’intégration sous régionale, ils peuvent s’appuyer sur le secteur de l’environnement, en harmonisant les législations ».

L’idée d’une législation commune dans le secteur forestier en Afrique central ne fait plus l’ombre d’aucun doute. Henry Djombo, ancien ministre congolais (Brazzaville) de l’économie forestière et du développement durable ne s’en empêche de vanter les efforts fournis jusque-là par les pays de l’Afrique centrale. « Les pays du bassin du Congo ont amorcé depuis les années 2000, une réforme structurelle et profonde de la gestion forestière. Nous sommes passés en une dizaine d’années des Administrations des Eaux et Forêts à l’Economie Forestière, cela veut tout dire. Nos administrations gèrent aujourd’hui une filière économique importante ».

Le souci pour les Etats de standardiser et harmoniser leurs cadres législatifs et réglementaires en vue d’optimiser la gestion durable de forêts, rehausse obstinément leur volonté de création des valeurs communes partagées.

Malgré la faiblesse institutionnelle qui fait figure de modèle dans la sous-région, l’idée d’une intégration politique et économique à travers le secteur environnemental n’est pas loin du compte. « La COMIFAC constitue aujourd’hui un modèle unique de coopération et d’intégration sous régionale en matière de conservation et de gestion des ressources forestières et environnementales », a affirmé Faustin Ndayishinguje, Représentant du Président en exercice de la COMIFAC, à la session extraordinaire du conseil de ministre de l’Afrique centrale qui ce tenu au mois de mai 2016 à Kinshasa.

Doter la COMIFAC les moyens de sa politique

Née de la volonté des Chefs d’Etats, la COFIMAC est aujourd’hui confrontée à des difficultés ineffables. D’aucun se pose la question de savoir, pourquoi créer une institution dont on ne sait assurer la pérennité ? À en croire Omer Ntougou, Secrétaire exécutif du RAPAC, l’espoir d’une intégration sous régionale n’est pas encore perdu. « On a l’environnement qui nous force à voir le bassin du Congo comme un espace unique. Si les Etats membres mettent en place une législation commune, s’ils harmonisent le niveau des préoccupations d’un pays à l’autre, si on tient la COMIFAC comme un outil politique d’intégration environnementale, dans dix ou quinze ans, nous réussirons l’intégration politique et économique de l’Afrique Centrale».

Omer Ntougou renchéri sa thèse en affirmant qu’avec 100.000 emplois formels dans le secteur forestier, les autorités devraient se saisir de cette opportunité. « Il suffit par exemple de créer un passeport commun pouvant permettre une libre circulation pour tous les acteurs qui évoluent dans le domaine de l’environnement, notamment le domaine de la conservation, la foresterie, et cela pourrait être un déclencheur de l’intégration vers d’autres domaines de vie dans la sous – région ».

Qui veut voyager loin ménage sa monture dit–on, les chefs d’Etat devraient investir dans la COMIFAC, s’ils veulent voir leur vision de l’intégration de l’Afrique centrale se concrétiser. A–t–il confirmé.

Si l’intégration communautaire de l’Europe a été rendue possible grâce à la politique commune du charbon et de l’acier, nonobstant, elle doit beaucoup au secteur agricole qui a fait de l’Europe un espace unique à travers la Politique agricole commune (PAC), qui représentait à son lancement 66% du budget.

Le secteur environnemental aujourd’hui présente pour l’Afrique centrale, des opportunités à saisir afin de confectionner des chantiers d’une véritable intégration sous régionale.

Lors de la 17ème session de la conférence des chefs d’Etats et de gouvernements de l’Afrique centrale qui se tiendra à Libreville au Gabon, l’un des principaux sujets de discussion sera la redynamisation de la COMIFAC pour permettre à cette institution d’assurer sa mission régalienne.

 

Alfred NTUMBA

 

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